Paris, 1199
humain. Et si Hubert avait prévu de tirer d’un autre
endroit ?
À sa gauche se dressait le grand pignon
triangulaire qui fermait le comble de la nef. Juste devant, un étroit passage
couvert de feuilles de plomb se terminait abruptement par la façade en bois et
en draperies, car toute cette partie de la cathédrale était encore en travaux.
Il n’y avait aucun recoin pour se dissimuler.
Il recula, essayant d’atteindre le toit, mais il
était bien trop pentu pour pouvoir grimper dessus, surtout avec son bras
douloureux. À côté de lui, la gargouille d’une gouttière se moqua de ses vains
efforts dans une grimace figée.
Il revint au parapet et baissa les yeux. Le roi devait
être encore à plus de cinq cents pas, mais, bientôt, il serait à portée d’une
flèche. Si elle était empoisonnée, il suffirait de l’égratigner.
Désemparé, il examina un instant le cortège.
Philippe Auguste était en haubert recouvert d’un surcot bleu brodé d’argent
avec une éclatante croix écarlate sur le torse. Tête nue, une couronne d’or
serrait sa longue chevelure. Devant lui, un page portait son épée et deux
écuyers des gonfanons aux fleurs de lys et son écu. À quelques pas
chevauchaient les grands barons qui entouraient Louis, le jeune fils du roi.
Plus loin derrière, c’était le cortège des Templiers, tous en manteau blanc.
Locksley reconnut Lucas de Beaumanoir près d’un grand maître qui devait être
celui de la Villeneuve.
Les robes des palefrois disparaissaient sous des
housses de velours et de drap brodées d’or et passementées d’hermine.
L’attention de Robert de Locksley fut alors
brièvement attirée par un imperceptible mouvement venant du grand pignon.
Tournant la tête, il posa son regard sur l’endroit qui avait attiré son
attention et balaya lentement des yeux la façade triangulaire, sans rien
remarquer. Soudain, le bref mouvement se reproduisit : c’était la pointe
d’une flèche qui, par instants, dépassait du mur. Brusquement un éclair éblouissant
déchira l’air et la pluie commença à tomber.
Se penchant le plus qu’il pouvait, tout en évitant
de se faire voir d’en bas, Locksley découvrit que le pignon était percé d’une
porte permettant aux ouvriers de passer dans l’église sans avoir à descendre.
Venant des échafaudages ou de la galerie où il se trouvait, ils n’avaient qu’à
longer la petite corniche couverte de plomb pour s’y rendre.
Hubert était là ! Dissimulé dans la profonde
embrasure de la porte. Ainsi dans l’ombre, il était invisible de la rue ou du
parvis.
La gorge sèche, Locksley hésitait. Il pouvait
franchir la corniche et tenter de surprendre le garde-chasse pour lui donner un
coup d’épée. Mais il devrait avancer très lentement sur la corniche rendue
glissante par la pluie, et si Hubert l’entendait, il lui tirerait dessus à bout
portant. Quant à décocher lui-même une flèche, il ne pourrait toucher le
garde-chasse tant qu’il resterait caché dans l’embrasure.
Les exclamations et les vivats couvraient
maintenant le crépitement de la pluie. Il se tourna vers le parvis. Philippe
approchait. Il devait agir.
Il vit à nouveau que la pointe de flèche
dépassait. Cette fois, elle s’avança presque d’un pied, puis s’abaissa. Hubert
allait tirer.
Sans perdre un instant, Robert de Locksley leva
son bras gauche en le gardant raide. Réprimant la douleur, il fit basculer une
des flèches à l’horizontale et tendit la corde de soie jusque derrière sa joue.
Il y eut un claquement et le trait partit. Il heurta la pointe de la flèche
d’Hubert qui s’arracha de son arc. Surpris, ne comprenant pas ce qui venait de
se produire, Hubert se pencha pour regarder et reçut la seconde flèche dans
l’œil. Il bascula en avant et tomba dans le vide.
Locksley ne le regarda pas s’écraser au sol. Dans
un instant, toute la garde du roi serait là. Il courut sur la galerie jusqu’à
Bartolomeo qui l’attendait.
— C’est fait ! Filons !
Un immense tumulte arrivait jusqu’à eux, venant du
parvis. Dans combien de temps le guet et les gens du roi seraient-ils à leurs
trousses ?
Bartolomeo l’aida à passer sur l’échafaudage et
ils sautèrent sur la plateforme tous les deux. En bas, Bracy et Guilhem, qui
les avaient vus, se mirent aussitôt à marcher à reculons et le plateau
descendit très lentement.
Il était à peine à mi-chemin que deux douzaines
d’hommes porteurs d’arbalètes
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