Paris, 1199
Bartolomeo.
— Nous allons sur le parvis pour attendre que
le roi sorte. Vous vous expliquerez avec lui. Mais auparavant, laissez-moi vos
armes.
La pluie tombait maintenant avec fureur. Ils
remirent leurs épées, tandis que Robert de Locksley donnait son arc et ses
flèches à un arbalétrier en lui demandant de les protéger de la pluie. Le
prévôt rassembla les armes et les conduisit devant Saint-Jean-le-Rond. La foule
s’était dispersée ou était entrée dans la cathédrale pour écouter la messe,
voir le roi et se mettre à l’abri. Devant l’église se tenait encore une
trentaine d’hommes farouches, porteurs de masses à croc. D’autres étaient
devant l’archevêché, près de l’écurie de l’évêque où étaient les chevaux.
Guilhem savait que cette garde avait été recrutée par Cadoc parmi ses meilleurs
mercenaires. Laissant traîner son regard, il aperçut le corps d’Hubert,
abandonné comme un chien sur le parvis.
Les voix des chantres retentissaient, venant du
chœur de l’église. Hamelin avait disparu. Les arbalétriers les entouraient et
les porteurs de masses les considéraient avec hostilité, mais on ne les
maltraita pas. Locksley en profita pour raconter comment il avait repéré et tué
Hubert. Malvoisin ne devait pas être loin du garde-chasse, peut-être était-il
avec lui dans l’embrasure de la porte sur la façade, et quand il l’avait vu
tomber, il avait fui par l’intérieur de l’église, conclut-il. Bartolomeo
écoutait en silence, complètement abattu en pensant seulement à sa sœur. Bracy
ne disait mot, fataliste. La pluie ruisselait sur eux et ils commencèrent à
grelotter. Le haubert de Guilhem pesait un poids infini sur ses épaules.
Cette pénible attente dura près d’une heure et, quand
les premiers fidèles sortirent, les quatre prisonniers étaient aussi mouillés
que si on les avait jetés dans la Seine. D’autres arbalétriers, qui se tenaient
dans l’entrée de la cathédrale, firent une barrière humaine pour contenir la
populace, car les gens ne s’éloignaient pas, restant sur le parvis, autant pour
acclamer le roi que pour savoir ce qui allait se passer. Tous avaient remarqué
les quatre hommes désarmés entourés d’arbalétriers. Sans doute des complices de
celui qui était tombé du toit. La rumeur circulait qu’ils avaient tenté de tuer
Philippe Auguste, et la foule voulait assister au jugement.
Mais comme il fallait de la place pour le roi et
ses familiers, quelques hommes à cheval repoussèrent sans ménagement la
foultitude vers les rues adjacentes. Après quoi, selon les strictes règles de
préséance, les Templiers sortirent les premiers, puis ce furent les
Hospitaliers, les clercs et les proches du roi. Enfin apparut Philippe et son
jeune fils, entourés du prévôt Hamelin et d’une dizaine de grands barons. Parmi
eux, Guilhem reconnut Simon de Montfort, qu’il avait rencontré une fois, et
Robert de Meulan, le premier bailli du roi. Les autres, il ne les avait jamais
vus. Derrière se tenait l’évêque Eudes de Sully en chasuble et en tiare, tenant
sa crosse. Avec lui se trouvaient les archidiacres du chapitre et l’official
Raymond Baudet qui le dévisagea avec malveillance. Des prélats et les chanoines
entouraient ce groupe, parlant à voix basse en les désignant parfois d’un doigt
ou d’un mouvement de tête. Tout le monde était impatient de savoir ce qu’allait
décider Philippe Auguste.
Comme la pluie redoublait, le prévôt Hamelin alla
chercher les prisonniers, tandis que le roi et son fils restaient à l’abri sous
le porche de bois de l’église. À six pas de lui, Guilhem et les autres
s’agenouillèrent dans une flaque tandis que Philippe Auguste restait
indéchiffrable.
Guilhem l’avait aperçu une seule fois auparavant
et n’avait pas oublié son visage carré et son regard inquisiteur. Le roi les
observait avec attention, sans colère, avec une évidente curiosité,
s’interrogeant sur ce que le prévôt lui avait déjà dit concernant Lucas de
Beaumanoir. Près de lui, son fils Louis, fluet, paraissait impressionné par ce
qu’il avait vu. Il avait même une expression légèrement craintive.
— Lequel d’entre vous est l’Anglais ?
demanda finalement Philippe d’une voix grave.
— Moi, sire roi. Je suis le comte de
Huntington et je ne suis pas anglais, mais saxon.
— Pourquoi avez-vous voulu me tuer ?
s’enquit Philippe après avoir froncé le front à la remarque de
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