Paris, 1199
paraissait raide. Passant la tête, il
dévisagea chacun et resta impassible en découvrant Bracy et Guilhem.
— Dépêche-toi ! Le roi t’attend, chien
de godon [61] !
cria le chevalier.
Robert de Locksley sortit entièrement et attendit.
La tête basse, épuisé, vaincu, avec un bras ballant. En le voyant ainsi,
Guilhem s’inquiéta. Si son bras était brisé, il ne pourrait rien faire.
— Avance ! fit un soldat d’une voix
rude.
— Il faut l’attacher ! intervint le
sergent.
— Dans son état ? ironisa Guilhem en
haussant les épaules. C’est inutile ! Donnez-moi seulement votre corde,
j’entraverai ses jambes à la selle.
Ils sortirent du donjon sans autre formalité. Sur
la rampe, Guilhem murmura entre ses dents.
— Ton bras ?
— Rien de grave, répondit Locksley de la même
façon.
Son ton insouciant rassura Guilhem qui le prit par
l’épaule pour le faire avancer, car le chevalier et ses hommes les avaient
suivis sur la rampe. Aux montures, Bartolomeo aida Locksley à se mettre en
selle avant de lui attacher solidement les jambes sous le poitrail de son
cheval.
Après être tous montés, ils quittèrent le Louvre.
C’est seulement en suivant la rive de la Seine,
vers le Grand pont, que Locksley demanda, pendant que Guilhem lui coupait ses
liens :
— Je ne sais pas comment vous vous y êtes
pris, mais je n’aurais pas mieux fait ! Où va-t-on ? Et que fait
Bracy ici ?
— Pour l’instant, Bracy est avec nous. C’est
lui qui m’a proposé de te faire évader, mais cette nuit, je l’ai moi-même sorti
du cachot où Beaumanoir l’avait jeté. J’ai ton arc, pourras-tu l’utiliser si
c’est nécessaire ?
— J’ai reçu un coup de pied au coude et j’ai
du mal à plier le bras gauche, mais sois sûr que je reste capable de tendre un
arc.
— Nous allons à Notre-Dame. Bartolomeo va
nous montrer l’endroit où Malvoisin et Hubert se sont rendus. Si on les aperçoit,
il faudra que tu atteignes Hubert d’une flèche avant qu’il ne tue le roi. J’ai
pris une arbalète pour abattre Malvoisin. Bartolomeo et le seigneur de Bracy
s’occuperont des autres, s’il y en a.
— Ensuite ? demanda Robert de Locksley
qui pensait surtout à Anna Maria.
— Nous disparaîtrons au plus vite. Tu
resteras caché et j’irai chez Cadoc avec Bracy. Je m’expliquerai avec lui et il
nous écoutera. Il nous conduira auprès du roi. Une fois que nous lui aurons
sauvé la vie, Philippe Auguste ne pourra que libérer nos amis.
Robert de Locksley dissimula une grimace
dubitative. Cela faisait beaucoup de supputations, mais ce n’était pas le
moment d’en discuter.
— Je suis passé devant Notre-Dame, il y a
quelques jours, dit-il. La cathédrale est immense. Comment les trouver ?
— Ce ne sera pas si difficile !
intervint Bracy. Le roi et son cortège arriveront par la nouvelle rue
Notre-Dame jusqu’au parvis. L’archer ne pourra tirer que de la façade ou du
toit.
— Il pourrait tirer de l’intérieur, pendant
le service, remarqua Locksley.
— Beaumanoir est un Templier. Jamais il
n’aurait décidé de commettre un crime dans un lieu consacré. Et puis, il est
plus facile de gagner la façade de l’extérieur que de s’installer à l’intérieur
alors que l’église est pleine de religieux et de gardes.
— Où peut-il se cacher sur la façade ?
— C’est bien là le problème. Les travaux de
construction ont été masqués par des planches peintes et des tentures, mais si
l’archer se met sur ces échafaudages, tout le monde le verra de la rue. Donc il
sera ailleurs.
— Où ?
— Je ne sais pas ! J’ai pensé au faîte
du toit, mais j’ignore s’il est accessible.
Ils se turent pour passer sous l’arche du
Grand-Châtelet. Le ciel était particulièrement sombre, avec de gros nuages
noirs, aussi l’obscurité restait-elle profonde malgré l’aube proche. Parfois
des éclairs lointains déchiraient la nuit.
Ils traversèrent le Grand pont où les boutiques
des changeurs étaient toutes fermées. Sur l’autre rive, Bracy les guida jusqu’à
la rue de la Vieille-Draperie. La ville se réveillait, mais aucune échoppe ou
atelier n’était ouvert puisque c’était l’Ascension. Au demeurant, tout le monde
allait à Notre-Dame voir le roi.
Pour entrer dans le Cloître, Bracy savait qu’à
cette heure seule la porte des Marmousets serait ouverte, des chanoines
l’empruntant très tôt pour se rendre au Palais. Au bout
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