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Paris, 1199

Paris, 1199

Titel: Paris, 1199 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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Richard, ou
alors c’est qu’il aurait trahi les valeurs de l’ancien cadi de Marrakech.
    — Ce mahométan affirmerait qu’il y aurait une
double vérité, seigneur, celle de la religion et celle de la science. Ces deux
vérités seraient différentes, chacune dans leur domaine, alors que chacun sait
qu’il n’y a qu’une unique vérité, celle de Dieu, poursuivit Amaury avec une
ombre de raillerie, mais d’une voix encore plus basse.
    — Je suppose que Corbeil est toujours protégé
par le roi.
    — Évidemment, sinon l’official [30] l’aurait mis en
accusation. D’autant que les rapports entre l’évêque et le chapitre de
Notre-Dame, qui a les droits de haute justice sur la cathédrale et le cloître,
ne sont pas toujours bons.
    — Pourquoi ?
    — Comme l’évêque possède un nombre
considérable de censives et de fiefs à Paris, c’est surtout lui qui y exerce la
justice. Mais le chapitre de Notre-Dame a sa propre juridiction sur le
territoire du Cloître et autour de la cathédrale, ce qui provoque des querelles
incessantes.
    — Que reste-t-il au roi de France ?
s’étonna Locksley.
    — Les rois se sont longtemps désintéressés de
la justice dans les fiefs de Paris, tant l’évêque était riche et puissant.
Pourtant, tout a changé avec Philippe Auguste. Jaloux de son autorité, il a
décidé que, désormais, ce serait le prévôt de Paris qui jugerait en son nom les
rapts et les meurtres sur tous les fiefs et les censives de sa capitale, qu’ils
soient à l’évêché, au chapitre, aux abbayes ou à ses barons. Cette décision est
devenue une source continuelle de conflit entre les religieux et le prévôt de
Paris.
    — Qu’en est-il ici, dans le
Monceau-Saint-Gervais ?
    — C’est compliqué, seigneur, les censives
sont tellement enchevêtrées, répondit Amaury, embarrassé, car il n’en savait
rien.
    Sans s’en rendre compte, ils avaient parlé un peu
plus fort et leur plus proche voisin, un clerc tonsuré, intervint :
    — J’ai surpris votre conversation, noble
seigneur, dit-il, et si je peux vous éclairer… Je viens justement à Paris pour
un procès concernant mon abbaye.
    — Volontiers, gentil moine.
    — La justice du roi s’applique avant tout sur
les marchands et c’est à lui qu’ils doivent payer les amendes en cas de fraude.
Par le guet, il saisit aussi les larrons en flagrant délit. Comme l’a dit votre
serviteur, le prévôt de Paris est l’unique juge pour les rapts et les meurtres,
sauf dans quelques fiefs de cette rive où les meurtres restent du domaine de
l’évêque. L’évêché garde bien sûr l’autorité judiciaire sur les délits religieux,
comme l’hérésie, la sorcellerie ou le blasphème, ainsi que sur la basse et
moyenne justice de ses fiefs et censives. Cette répartition convient à l’Église
qui ainsi ne fait jamais couler le sang dans Paris, car, comme chacun sait, Ecclesia
abhorret a sanguine [31] , conclut-il en se signant.
    — C’est un leurre ! intervint Amaury en
haussant les épaules. Quand l’évêque fait couper des oreilles, il le fait faire
par son bourreau hors de l’enceinte, c’est tout !
    — C’est assez vrai, approuva le clerc en
dissimulant un sourire.
    — Votre roi n’a finalement que peu de pouvoir
en face de votre évêque, remarqua Robert de Locksley.
    — Ce serait une illusion de croire cela,
seigneur. Si selon la coutume la justice dépend du délit, de la victime ou du
coupable, répliqua le moine, elle résulte surtout de celui qui a arrêté le
criminel. Si c’est le prévôt de Paris, le roi gardera l’affaire et recevra les
amendes ou les biens du condamné. Or le prévôt de Paris, avec le guet, dispose
de bien plus de gardes que le prévôt de l’évêché. De plus, tout homme arrêté
par les archers de l’évêché peut demander le duel judiciaire dans la cour de
l’évêché, et s’il est vaincu, c’est le roi qui reçoit ses biens. Ainsi, dans
les censives du Monceau-Saint-Gervais, si la justice est souvent disputée entre
l’évêché et le roi, et parfois avec le chapitre cathédral, le prévôt de Paris
impose généralement sa volonté tout simplement parce qu’il est le plus fort.
    — Je comprends mieux, sourit Locksley qui
savait par expérience que la justice cherchait moins à punir les coupables qu’à
s’approprier leurs biens et à encaisser des amendes.
    — Un grand merci, honnête et savant clerc,
ajouta-t-il. Viens, Amaury !
    Ils

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