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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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truands, les cuidant telles, me les voudront aussi dérober.
    — Ha !
Que non ! dit Maître Recroche, les tirelupins, eux, ne s’y tromperont
pas !
    À quoi je ris
et assurai Maître Recroche que j’allais rêver à loisir à son sage conseil,
suspectant en mon for que l’orfèvre à qui il aspirait à me voir vendre mes
perles ne laisserait pas de l’intéresser peu ou prou à ce barguin. Havre de
grâce ! pensai-je en le regardant s’éloigner, Alizon a raison. Ce
chiche-face tondrait un œuf et tirerait pécunes de tout, même d’un pavé.
    Alizon que je
retrouvai, allègre et vive au labour le lendemain en l’atelier, encore que
l’œil rougi de sa trop courte nuit, me demanda si j’étais encore dépité que M me des Tourelles m’eût failli, et me fit de grands compliments sur mon pourpoint,
ce qu’elle n’avait la veille songé à faire pour ce qu’elle était, dit-elle,
tant aise et contente de me revoir si tôt au logis. À quoi rougissant malgré
son teint de brugnon, ma gentille mouche d’enfer ajouta que, pour bien faire,
il me faudrait non pas un, mais trente pourpoints de cette qualité, nos
élégants de cour tenant à déshonneur de n’en point changer tous les jours.
    — Ha !
Alizon ! dis-je, touchant la dame que tu sais, je m’attache fort peu où je
ne sens pas de tendresse. Ces archi-coquettes sont tout juste comme des
tortues : on ne sait où porter la main pour les caresser. Et imagine-t-on,
en désespoir, de les retourner sur le dos, ce n’est encore que carapace, et
rien qui flatte les doigts et émeuve le cœur.
    À quoi Alizon
s’esbouffa et me souhaita bon vent et bon heur dans ma quête au Louvre :
mais hélas, après ce que m’avait dit Fogacer, je n’y allais plus que d’une
fesse, espérant peu que le Roi me reçût après les grâces et les faveurs
qu’Anjou m’avait prodiguées. Et en effet, à peine en eussé-je touché un mot ce
matin-là à M. de Nançay (lequel je trouvai au jeu de paume des Cinq Pucelles attendant le bâtard d’Angoulême pour y faire sa partie) que le capitaine me dit
de n’y plus songer pour le moment, pour ce que le Roi avait ouï que je m’étais
donné à son frère, tout huguenot que je fusse, et que si je l’aimais tant, je
n’étais que de le suivre en Pologne quand le Duc d’Anjou serait élu roi, ce
que, par la Sang Dieu, il priait tous les jours le Seigneur d’accomplir.
    — Mais,
Monsieur de Nançay, dis-je, avez-vous dit au Roi combien tout ceci fut fortuit,
hasardeux et né, par aventure, d’une querelle de néant avec M. de
Quéribus ?
    — Oui-da !
Mais le Roi en ses colères se ferme comme huître et ne veut rien ouïr.
    — Je n’ai
donc plus, dis-je, la crête fort rabattue et la mine chagrine, qu’à m’en
retourner en mon Périgord, la tête ne me tenant pas plus ferme aux épaules qu’à
ma venue céans.
    — Ne
désistez pas si vite, dit Nançay en baissant fort la voix. L’homme dont nous
parlons, poursuivit-il non sans quelque aigreur, s’encourrouce, s’obstine,
jette feu et flammes et tout soudain démord, et fait tout le rebours de ce
qu’il a juré. C’est un toton que la même main fait tourner qui cy qui là, mais
toujours en ronflant.
    — Et
quelle est cette main ? lui quis-je, tout béant que le capitaine des
gardes parlât ainsi du souverain.
    — Femelle
et florentine.
    — C’est
donc par elle qu’il faut passer.
    — Gardez-vous-en :
la dame est pour l’instant peu ouïe, votre Coligny ayant seul l’oreille du Roi.
Il le séduit par son projet de guerre dans les Flandres où papistes et
huguenots se jetteraient tout ensemble pour secourir la révolte des gueux
contre l’Espagnol. Le Roi aime le rêve de ce fracas guerrier, lui qui pourtant
ne peut tenir plus d’un jour à cheval sans toussir à mourir et raquer ses poumons.
    Nançay n’en
put dire davantage, le bâtard d’Angoulême, l’œil, la peau et le cheveu de jais,
survenant à grands pas, suivi de Téligny, l’aimable et candide gendre de
Coligny, lequel avait l’air, emboîtant le pas du Grand Prieur de France, d’une
blanche colombe suivant un noir corbeau.
    — Çà !
dit le bâtard d’une voix rude sans saluer personne, puisque Nançay et Siorac se
trouvent être là, faisons un quatre sans tant languir.
    Et sans prier
aucun de nous d’opiner, il me mit à sa façon abrupte dans le camp de Téligny,
prenant avec lui Nançay, ce qui lui devait assurer une facile victoire, dont

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