Paris vaut bien une messe
Navarre ou de Diego de Sarmiento, donc du prince de la Sainte Ligue,
Henri le Balafré, et de son frère Louis, cardinal de Lorraine. Ou bien étais-je
aux côtés de Henri III avec Enguerrand de Mons qu’on soupçonnait pourtant
d’être aussi de la Sainte Ligue ? À moins encore que je ne fasse partie
des machiavélistes, des athéistes que dénonçaient le père Veron et, depuis
Rome, le père Verdini ?
N’étais-je pas arrivé à Blois en compagnie de ce Michel de
Polin dont on assurait qu’il cherchait à rapprocher Henri III du roi de Navarre,
à obtenir la conversion – une de plus ! s’indignaient les
ligueurs – de ce dernier à la sainte religion afin qu’il pût accéder au
trône de France, le souverain régnant étant sans héritier ?
— Savez-vous ce qu’on dit du roi ? me confia Vico
Montanari, qui, comme tous les ambassadeurs, avait suivi la cour à Blois.
Il logeait non loin du couvent des Jacobins, dans une maison
du quai de la Loire, à quelques pas du château.
Montanari s’est frotté les mains tout en riant
silencieusement.
— Il a le bout de la verge tordu vers le bas. Il ne
peut donc répandre le sperme dans la matrice. Certains médecins ont voulu le
fendre plus haut, mais il a refusé. Il a préféré boire du lait d’ânesse pour
modérer l’écoulement de son sperme qui sort trop vite et trop bas… Mais le roi
est persuadé que c’est la reine qui ne peut pas enfanter. Elle prend des bains,
elle maigrit, elle a des accès de fièvre. Il a fait venir de Lyon une fille de
dix-huit ans, d’une extrême beauté, et on murmure que, bout de la verge tordu
ou pas, et fendu trop bas, il lui a fait un enfant, mais personne ne l’a vu. Il
ne l’a pas légitimé. Donc, les chances de Henri de Navarre de succéder à
Henri III restent grandes. Que pensez-vous de lui, Thorenc, est-il prêt à
se convertir ?
Je ne répondais pas aux questions de Vico Montanari, qui,
chaque jour, se rendait au château, voyait Diego de Sarmiento, Enguerrand de
Mons ou les proches de la reine mère, Catherine de Médicis. Il dépêchait auprès
des femmes Leonello Terraccini, que je n’avais salué que d’une inclinaison de
tête, mais dont j’imaginais qu’il pouvait faire merveille auprès d’elles.
De fait, Terraccini était au mieux avec M me de Montpensier,
la sœur de Henri le Balafré et du cardinal de Lorraine. Au cours d’un dîner,
celui-ci avait montré les ciseaux d’or qu’elle portait accrochés à sa ceinture.
C’est avec cette paire là, avait-elle dit, qu’elle tondrait le roi Henri qui
devait finir ses jours comme un moine, au fond d’un couvent.
Et tout le monde de se goberger autour d’elle, le cardinal
de Lorraine buvant à la santé de son frère Henri le Balafré qui serait bientôt
roi de France.
— On a rapporté ce genre de propos à Henri III. Il
enrage. Il dit : « Qu’ils ne me mettent point en fureur, sinon je les
tuerai ! » Mais il embrasse Henri de Guise, rit avec lui, lui promet
tout ce dont il rêve, le pouvoir, la grande lieutenance du royaume, et l’autre
est aussi aveuglé que l’a été César à la veille et au matin des ides de
mars !
J’écoutais. J’avais l’impression, lorsque je marchais dans
les rues de Blois ou que j’entrais dans le château, de m’écorcher à ces regards
acérés comme des dagues.
— Cela ne peut durer plus de quelques jours, disait
Michel de Polin. Nous saurons bientôt qui, du roi ou du duc, sera le plus
puissant.
Il baissait la voix, murmurait que, selon ce qu’Enguerrand
de Mons avait rapporté, Henri III aurait dit : « Il faut qu’il
meure ou que je meure. »
Polin se lamentait. Le royaume, à l’entendre, était plein
d’ulcères, ses quatre membres en étaient infectés.
— La religion s’est brisée en cent sectes et l’État en
cent factions. On ne respecte plus l’autorité du roi. Henri III le sait.
C’est pour cela qu’il a fui Paris, mais les barricadeux veulent le trône pour
Henri le Balafré. Et le royaume n’est plus qu’un champ où l’on a semé les graines
de la division, de l’improbité et de l’impiété.
Avec Polin, je rencontrais Enguerrand de Mons.
Durant la saison des massacres, ces semaines qui avaient
suivi la Saint-Barthélemy, il avait été l’un des plus enragés à vouloir que
l’on extermine les huguenots.
Maintenant, il s’emportait contre les Guises que Diego de
Sarmiento payait, qui espéraient que
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