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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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et ce que veut Diego de Sarmiento, m’avait conseillé de m’arrêter ici,
chez vous.
    Bernard de Thorenc s’est levé, a écarté les bras, murmurant
que Michel de Polin était le bienvenu, que la demeure et les terres des Thorenc
étaient vouées à la paix. Qu’il le voulait ainsi.
    Polin a entrepris de tisonner le feu, appuyé de la main
gauche au tableau de la cheminée. Il a précisé que Henri III avait
convoqué les états généraux du royaume à Blois ; qu’il fallait que tous
ceux qui voulaient la réunion des sujets et la paix y participent.
    — Je pars demain matin, venez avec moi, a-t-il dit.
Vous chasserez après.
    Il s’est approché de Bernard de Thorenc.
    — N’abandonnez pas votre fils à un royaume d’égorgeurs.
Ils ne lui pardonneront pas d’être né de vous et d’Anne de Buisson.
    Thorenc a paru ne pas entendre, branlant du chef, les yeux
baissés.
    — Vous les avez vus comme moi tirer sur le quai de
l’École, rue de l’Arbre-Sec, a continué Polin, vous avez vu ces enfants morts
emmaillotés de linges tachés de sang et dont la tête battait le pavé…
    — Taisez-vous ! l’a adjuré Bernard de Thorenc.
    Il a quitté la salle, suivi par Michel de Polin.
    Les cadavres des trois sangliers gisaient toujours sur les
dalles de l’entrée et les chiens continuaient d’aboyer avec la même fureur
sauvage.

 
29.
    Seigneur, en quittant le Castellaras de la Tour et en
suivant Michel de Polin, je savais que je ne chasserais plus le sanglier.
    À nouveau mon gibier serait l’homme, c’était son sang rouge
que j’allais faire couler et non plus celui, noir, des bêtes sauvages.
     
    Au moment du départ, dans la cour du Castellaras de la Tour,
alors que les serviteurs, les chiens aboyant à leur suite, tiraient sur les
pavés les corps des trois sangliers, j’ai dit à Anne de Buisson que je la
quittais parce qu’il fallait aller jusqu’au bout si l’on voulait que la paix
fut rétablie une bonne fois en ce royaume de France, donc ici même, sur nos
terres.
    J’ai voulu la serrer contre moi, elle m’a repoussé, le
visage figé tel un masque aux yeux fixes.
    J’ai haussé le ton.
    J’étais parjure, je le savais.
    Je lui avais promis, à elle, ainsi qu’à Vous, de ne plus
prendre les armes que contre ceux qui viendraient jusqu’ici, dans notre
demeure, nous menacer.
    J’ai crié que je ne voulais pas laisser mon fils à la merci
d’un égorgeur, huguenot ou ligueur, parce que nous n’appartenions plus à un
camp ou à l’autre, mais aux deux, traîtres à l’un comme à l’autre.
    Ainsi était le destin de notre famille, moi servant le roi
catholique, et mon père, mon frère et ma sœur dans l’autre parti.
    — Ils sont morts, a dit Anne de Buisson.
    Elle a croisé les bras, reculé quand j’avais voulu de
nouveau m’approcher.
    — Le salut de ton fils, notre salut était dans l’oubli,
a-t-elle ajouté. Ils vont se souvenir de toi et des tiens. Tu auras du sang
plein les mains, jusqu’aux coudes. Ceux que tu vas tuer voudront encore se
venger.
    Elle s’est tournée, suivant des yeux les sangliers et les
chiens.
    — Les bêtes sauvages ne se souviennent pas de qui les
tue ; les humains, oui. C’est pour cela qu’ils sont cruels et que les
guerres ne finissent jamais.
    — La paix viendra, a protesté Polin. Il faut des hommes
comme Bernard de Thorenc pour l’instaurer. Sa vie, ce que vous avez fait l’un
pour l’autre, et ce fils sont des exemples.
    — Si l’on veut vivre en paix, il faut se terrer et non
pas monter sur les estrades, se pavaner à la cour, se mêler aux intrigues. On
tue celui qu’on voit, a répondu Anne.
    Elle s’est éloignée.
    — J’aurais dû vous chasser, a-t-elle ajouté en se
retournant vers Michel de Polin. Ou vous tuer.
    En sautant en selle, j’ai lancé qu’elle devait prier pour
nous, pour le succès de notre entreprise.
    — Je veux vous oublier ! s’est-elle écriée.
     
    Tout au long de notre chevauchée jusqu’à Blois où les états
généraux du royaume et la cour étaient rassemblés, ces mots m’ont poursuivi
comme une malédiction.
    Puis les chuchotements des conspirateurs, le choc des
poignards, les râles des assassinés, les rires des tueurs, les hurlements de
colère de leurs ennemis ont étouffé la voix d’Anne de Buisson.
    J’étais rentré dans le royaume des hommes en guerre, et
chacun voulait savoir à quel camp j’appartenais, huguenot ou ligueur, espion de
Henri de

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