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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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désormais que rien de ce que les hommes
entreprennent, qu’ils soient manants ou rois, n’est limpide comme eau de
source.
    Seul Vous étiez, Seigneur, dans la clarté pure, mais Vous
aviez quitté ce monde après nous avoir donné Votre souffrance, et nous n’étions
plus que des aveugles qui tâtonnions.
     
    Cependant, j’ai cédé aux bonnes raisons de Michel de Polin
et de Vico Montanari. Il n’était pas nécessaire de croire à la sincérité des
hommes, me disait Polin, et moins encore à celle des rois pour tenter
d’empêcher que le pire ne survienne.
    L’enfer sur terre, c’était la guerre fratricide entre
chrétiens, entre sujets du même royaume de France.
    J’ai donc quitté Blois en compagnie de Michel de Polin pour
rencontrer Henri de Navarre dont les troupes, parties de La Rochelle, avançaient
vers Tours.
     
    Nous l’avons rencontré à Niort.
    Le Béarnais passait toujours d’une couche à l’autre, on le
croyait avec Diane d’Andoins, qui se faisait appeler Corisande, alors qu’il
honorait une paysanne et lorgnait une jeune femme de dix-sept ans, Gabrielle
d’Estrées.
    Il vint à nous, les cheveux ébouriffés, le pourpoint ouvert,
les gestes lents de qui vient de connaître l’épuisement heureux de l’amour, et
il dit, en ouvrant les bras :
    — Nous avons été quatre ans ivres, insensés et furieux.
N’est-ce pas assez ?
    Il baissa la tête, ferma les yeux comme pour se recueillir,
reprendre force ; puis, allant et venant, il ajouta qu’il était prêt, si
on l’instruisait, si on lui montrait une autre vérité que celle en laquelle il
croyait, à s’y rendre et à prendre une autre religion que celle avec laquelle
il avait servi Dieu dès le jour de sa naissance.
    Mais on ne devait pas oublier qu’il était chrétien, alors
qu’on était plus sévère avec lui que s’il avait été un barbare, un Turc !
    Je l’écoutais.
    Seigneur, il parlait de religion et de Vous avec légèreté,
comme d’un sujet parmi d’autres. Mais au moins ne pouvait-on l’accuser
d’hypocrisie, de mensonge ni de cagoterie, comme celle qu’affichait
Henri III.
    Henri de Navarre voulait le trône. Depuis l’assassinat des
Guises, il s’en sentait plus proche. Il s’éloignait donc de sa religion
réformée et j’entendais les murmures de certains de ses fidèles qui le
trouvaient trop accommodant avec les papistes, trop peu soucieux de la vérité
de sa foi.
     
    En nous prenant tour à tour par les épaules, Michel de Polin
et moi, il disait :
    — Vous le savez, notre État est extrêmement
malade ; la cause du mal est la guerre civile, maladie presque incurable
de laquelle nul État n’échappa jamais… Quel remède ? Nul autre que la
paix, qui fait l’ordre au cœur de ce royaume… qui, par l’ordre, chasse les
désobéissances et malignes humeurs, purge les corrompus et les remplit de bon
sang, de bonnes volontés ; qui, en somme, le fait vivre. C’est la paix, la
paix qu’il faut demander à Dieu pour son seul remède, pour sa seule
guérison ; qui en cherche d’autre, au lieu de le guérir, le veut
empoisonner… Il faut avoir pitié de cet État. Catholiques serviteurs du roi
autant que ceux qui ne le sont pas, nous sommes tous français. Il faut
dépouiller les misérables ligueurs de guerre et de violences pour reprendre les
haleines de paix et d’union, les volontés d’obéissance et d’ordre, les esprits
de concorde.
    Il pressait les deux mains sur sa poitrine, ajoutant qu’il
ne permettrait jamais que les catholiques fussent contraints dans leur
religion, et qu’il ferait respecter la liberté de chacun, huguenot ou
catholique.
     
    Il m’a tout à coup longuement fixé, effleurant du bout des
doigts sa moustache et sa courte barbe.
    — Qu’as-tu donc fait à la belle Anne de Buisson,
Thorenc ? Tu la cloîtres ?
    Il a ri.
    — Un fils, a murmuré Michel de Polin. Un Jean de
Thorenc.
    Henri de Navarre s’est rembruni.
    — Donnons-lui la paix, a-t-il murmuré avec gravité.

 
32.
    J’ai pensé à mon fils lorsque j’ai vu, dans le parc du
château de Plessis-lès-Tours, Henri de Navarre s’agenouiller devant
Henri III.
    Et je Vous ai remercié, Seigneur, d’avoir permis cette
rencontre, cette alliance dont, peut-être, allait naître la paix du royaume.
    Et de faire que mon fils ne soit pas la proie des égorgeurs
dont un courrier m’avait averti qu’ils rôdaient autour du Castellaras de la
Tour et de la Grande Forteresse

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