Paris vaut bien une messe
m’empêcheront
de la suivre en quelque part qu’elle se présente, et j’espère bientôt me
reposer à Paris après en avoir chassé le duc de Mayenne.
Les nobles catholiques qui se sont ralliés à Henri IV
sont plus réservés. Enguerrand de Mons m’a confié son inquiétude et son dépit.
Le Béarnais n’évoque plus sa conversion.
— Henri peut vaincre la Ligue, m’a dit de Mons, mais le
peuple parisien ne l’acceptera que si le roi entend la messe. Or il préfère
écouter la lecture de la Bible. Les huguenots qui l’entourent l’entretiennent
dans l’idée qu’il doit rester de sa religion et que le royaume sera huguenot à
la manière de l’Angleterre ou des Provinces-Unies. Mais nous ne le suivrons
pas.
Enguerrand de Mons m’a demandé de faire comprendre au
monarque que notre reconnaissance allait au souverain qui s’était engagé à
renoncer à sa cause, et non à celui qui s’obstinerait dans l’hérésie.
Je me suis bien gardé de lui en parler.
Henri IV n’ignore pas que le roi d’Espagne et son
envoyé, Diego de Sarmiento, tentent de rassembler tous les princes chrétiens.
Philippe II appuie le cardinal Charles de Bourbon, celui que les ligueurs
appellent Charles X et qu’ils ont reconnu comme roi de France. Mais
l’homme est vieux et prisonnier des huguenots !
Sarmiento m’a fait parvenir un courrier dans lequel il
regrette – et s’indigne – que notre Sérénissime République ait pu
apporter son appui à un souverain hérétique, alors qu’il faut “extirper du
royaume de France l’hérésie, et non la soutenir, qu’il y va du salut de la
sainte Église catholique”.
Il m’indique que Philippe II est prêt à envoyer deux
armées dans le royaume de France pour le délivrer des huguenots.
Alexandre Farnèse, leur meilleur chef de guerre, se serait
mis en route avec les troupes espagnoles des Pays-Bas.
La guerre va donc continuer, plus cruelle encore.
Bernard de Thorenc, l’un de ces catholiques ralliés à
Henri IV, m’a fait le récit de la bataille d’Arqués et de celle d’Ivry qui
s’est déroulée le 11 mars. Le roi s’y est montré grand et valeureux
capitaine :
“Mes compagnons, a-t-il dit avant de charger, Dieu est pour
nous. Voici Ses ennemis et les nôtres, voici votre roi ! À eux ! Si
vos cornettes vous manquent, ralliez-vous à mon panache blanc, vous le
trouverez au chemin de la victoire et de l’honneur !”
Il a remporté la victoire sans avoir pu forcer les défenses
de Paris. On dit que le sol était jonché de ligueurs tués au combat ou, comme
le furent tous les lansquenets, égorgés après la bataille.
Bernard de Thorenc et d’autres gentilshommes catholiques
sont las de ces massacres qui affaiblissent le royaume. Ils s’étonnent que
Henri IV continue de se dire huguenot, priant comme un hérétique et parmi
les gens de sa cause, et répétant : “Dieu me conduit.”
À Tours, cependant, le clergé catholique l’a accueilli avec
transport, entonnant des hymnes à sa gloire :
Chantons
Henri notre grand prince
Tout le
clergé de la province
Chante son
nom de banc en banc
Prions que la
paix il apporte
Afin que les
trois lys qu’il porte
Ne soient
plus entachés de sang !
Ces prêtres ont même assisté au châtiment infligé au père
Veron, un prêcheur dominicain fait prisonnier sous les murs de Paris. On l’a
jugé pour avoir poussé au régicide le moine Jacques Clément et avoir exalté sa
mémoire.
Il a été écartelé sur la place de Tours devant un grand
rassemblement du peuple.
Lorsque le corps s’est déchiré, la foule a crié sa joie. Les
membres du père Veron ont été brûlés et ses cendres dispersées au vent.
Le roi s’est montré fort satisfait de ses victoires d’Arqués
et d’Ivry, ainsi que de ce châtiment.
Il a dit à Bernard de Thorenc :
— Dieu me continue Ses bénédictions comme Il l’a fait
jusqu’ici.
Thorenc et quelques autres – ainsi, Michel de
Polin – ne voient plus le dessein de Dieu dans cette suite de guerres et
de massacres. Il m’a répété :
— Dieu ne choisit pas entre les hommes, qu’ils soient
rois ou manouvriers. Chacun est libre de Lui être fidèle ou bien d’oublier Ses
enseignements. Puis Dieu juge.
Henri n’est pas souverain à s’inquiéter du jugement de Dieu.
Il ne doute pas de la bienveillance du Seigneur.
— Je fais bien du chemin, m’a-t-il dit au cours de
cette audience solennelle,
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