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Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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serraient contre elles.
Elles disaient que l’on avait aussi mangé des enfants. Une mère bien grasse
avait dévoré les cadavres de ses deux fils morts de faim. Mais, surtout, les
lansquenets s’étaient mis en chasse et une femme, les yeux hagards, m’avait
raconté : « Le Louvre est devenu la boucherie des lansquenets. L’un
de ces monstres a avoué qu’il avait tué trois enfants et partagé leur viande
avec plusieurs de ses compagnons d’armes. »
     
    Un roi qui aimait ses sujets pouvait-il, pour conquérir son
trône, les condamner à devenir le gibier de lansquenets ou à se nourrir de
cadavres ?
    Je l’avais entendu se vanter d’avoir « fait brûler tous
les moulins qui fournissent Paris en farine. La raison reviendra à ce peuple
quand la nécessité sera plus grande encore et que leurs os déchireront leur
peau, tant ils seront devenus maigres… ».
    Était-ce là discours de bon roi ?
    Montanari haussait les épaules avec indulgence.
Henri IV avait accepté de recueillir les Parisiens qui fuyaient la ville
encerclée.
    — Et puis, Thorenc, Henri IV a la fourberie de
tous les souverains. Sans elle on ne saurait régner. Or il veut régner.
Voyez-le, aidez-le !
     
    Le roi m’a reçu à bras ouverts, me remerciant, avant que
j’aie pu dire un seul mot, d’accepter de me rendre à Paris.
    — Je n’ai jamais douté de votre courage, Thorenc.
    Il a posé la main sur mon épaule.
    Je devais, a-t-il dit, l’écouter avec attention afin de
rapporter ses propos aux ligueurs, au duc de Mayenne, mais aussi au jeune neveu
de Mayenne, le duc de Nemours, qui commandait les troupes et rassemblait le
peuple autour de la Ligue avec grand talent.
    — Dites-lui que je veux qu’il soit au service de tout
le royaume, et pas seulement d’une Ligue qui ne se bat que pour l’Espagne.
Dites à tous ceux que vous rencontrerez que je veux une paix générale, car
j’entends soulager mon peuple au lieu de le perdre et ruiner. Que si, pour une
bataille, je donnerais un doigt, pour la paix générale, j’en donnerais
deux !
    Il s’est éloigné de quelques pas.
    — J’aime ma ville de Paris, a-t-il repris. C’est ma
fille aînée, j’en suis jaloux. Je lui veux faire plus de bien, plus de grâce et
de miséricorde qu’elle ne m’en demande. Mais je veux qu’elle m’en sache gré, et
qu’elle doive ce bien à ma clémence.
    Il m’a pris par le bras.
    — Je suis un vrai père de mon peuple, Thorenc. Je
ressemble à cette vraie mère, dans Salomon. J’aimerais mieux n’avoir point de
Paris que de l’avoir tout ruiné et dissipé après la mort de tant de pauvres
personnes…
     
    Ce n’était que fourberie, car il voulait conquérir Paris, et
les arquebusiers de l’armée royale tiraient sur les malheureux affamés qui s’en
allaient cueillir hors des remparts quelques épis de blé ou des brassées
d’avoine. Or, malgré cela, la ville résistait avec ces lansquenets, ces
Suisses, ces habitants qui gardaient les remparts, ces moines casqués qui
défilaient, crucifix brandi de la main gauche, la droite tenant l’arquebuse.
    Il fallait bien que Henri IV me dise qu’il aimerait
mieux n’avoir point Paris, puisque en effet il était incapable d’y entrer, même
quand ses soldats se déguisaient en meuniers pour tenter de forcer la porte
Saint-Honoré – reconnus, ils en étaient chassés – et que d’autres
avaient subi le même sort porte Saint-Antoine.
    Les canons installés à Montmartre pouvaient bien tirer
quelques boulets, la ville résistait.
    Et l’armée royale était contrainte de desserrer son étreinte,
parce que les troupes espagnoles d’Alexandre Farnèse arrivaient des Pays-Bas,
occupaient les deux rives de la Marne, permettant ainsi à quelques bateaux
chargés de grain d’atteindre Paris.
     
    C’est aussi sur une barque glissant de nuit le long de la
Seine que je suis entré dans le capitale, sautant sur le quai de l’École et me
faufilant par la rue de l’Arbre-Sec jusqu’à l’hôtel de Venise où vivait
Leonello Terraccini, la Sérénissime République ne rompant jamais totalement
avec un camp, quel qu’il fut.
     
    Dès le premier soir, j’ai vu des enfants errants comme des
bêtes affamés, et mon cœur en est encore serré.
    Chaque fois que je croisais l’une de ces frêles silhouettes
qui tendaient leurs mains vers moi, ne voulaient pas d’argent mais du pain,
j’avais l’impression que c’était mon fils Jean qui me suppliait de

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