Paul Verlaine et ses contemporains par un témoin impartial
au réveil des passions populaires, en 1848, qui lui ont laissé de vifs souvenirs.
Cette même année, le capitaine Verlaine voulut quitter l’armée ; mais son colonel, Niel, depuis maréchal, joignit à la demande adressée au Ministère, une note par laquelle, faisant valoir les mérites de son officier, il priait qu’on insistât pour le faire rester : la réponse du Ministère, faite en ce sens, décida le capitaine à retarder sa retraite.
La famille retourna à Metz, et ce fut en 1851 que Auguste Verlaine se retira de l’armée. Il vint à Paris, avec sa femme et son fils ; leur appartement fut loué rue Nollet, dans le quartier des Batignolles.
À peu de distance, rue Chaptal, l’enfant fut placé dans la pension Landry, qui se chargeait de le conduire chaque jour au lycée. Mais le Coup d’État, puis une maladie, retardèrent ses études. Dès qu’il fut guéri, il suivit les cours du lycée Bonaparte, aujourd’hui Condorcet, où il eut pour condisciple Edmond de Bouhélier-Lepelletier, né à deux pas de là, rue Lécluse, en 1846.
Entre eux se forma une vive amitié, que le temps devait fortifier : depuis que Verlaine n’est plus, Lepelletier s’est fait un des plus actifs défenseurs de sa mémoire.
L’élève du lycée Bonaparte fut reçu bachelier ès-lettres, le 16 août 1862.
Vers cette époque, l’ex-capitaine Verlaine, qui avait mis toute sa fortune dans le Crédit mobilier, voulut, les actions baissant, opérer la conversion des siennes. La perte fut importante, il ne sauva que 250,000 francs. Les études de son fils étant terminées, il le fit entrer à la Compagnie d’assurances l’Aigle , puis, en 1864, à l’Hôtel-de-Ville, en qualité d’expéditionnaire.
L’année suivante, celle de la majorité de Paul Verlaine, et l’année 1866, furent particulièrement accompagnées de faits, les uns douloureux qui le meurtrirent, d’autres passionnés qui orientèrent sa sombre destinée. Son père mourut, le 30 décembre 1865. Sa mère, volée par un nommé Salard, trompée par des spéculateurs, perdit une nouvelle part du bien familial. Lui-même, saisi par l’esprit poétique et par l’instinct aventureux, fut moins assidu aux soins de son emploi. On le vit alors parmi les Parnassiens, près de Leconte de Lisle qui eut sur lui le plus d’influence, Sully-Prud’homme, Léon Dierx, Catulle Mendès, et François Coppée, qui se lia avec lui. À l’œuvre que ces poètes fondaient, il apporta son premier livre : Poèmes saturniens .
II
Les Poèmes saturniens , préface de toute l’œuvre, furent publiés, en 1866, en même temps que le Reliquaire , de François Coppée. Ils présageaient deux choses : Sagesse , qui fut le testament de l’écrivain, et l’attitude qui perdit l’homme.
Le bruit soulevé au tour du Parnasse couvrit les hardiesses de ce début ; ce ne fut que l’année suivante, par les Fêtes galantes , que Verlaine obtint quelque succès. Sainte-Beuve, Nestor Roqueplan s’intéressèrent à ces essais gracieux et raffinés, étrangement encadrés de mélancolie.
La nouveauté de cet art suscita à son auteur de vives critiques ; la satire même l’atteignit : en 1867, une caricature signée Péaron le montra galopant dans un décor macabre.
C’est encore en ce temps-là que grandit en lui le besoin d’indépendance, qui le conduisit en des milieux où le bon grain était pêle-mêle avec l’ivraie : ce fut l’ivraie qui obtint alors ses plus riches trésors d’indulgence. Un séjour à la campagne répara ces désordres ; retiré dans le nord de la France, il était, en septembre 1869, avec sa mère, chez un oncle, à Fampoux, près d’Arras.
En 1870, il revint à Paris, publier la Bonne Chanson .
Il y fut pris d’un grand amour pour M lle Mathilde Mautet, sœur utérine du compositeur Charles de Sivry. Ce fut entre eux la plus charmante idylle. Le mariage fut fixé à mi-juin. Mais une maladie de M lle Mautet, puis de sa mère, retarda la cérémonie. Elle eut lieu à la fin du mois d’août, à la mairie de Montmartre, et à Notre-Dame-de-Clignancourt. C’était peu de jours avant le désastre de Sedan, et la guerre tenait éloignés amis et connaissances. Il n’y eut guère, avec la famille, que Léon Valade, Paul Foucher, beau-frère de Victor Hugo, Camille Pelletan, et Louise Michel.
Verlaine et sa jeune femme (elle avait seize ans) habitèrent d’abord
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