Paul Verlaine et ses contemporains par un témoin impartial
instances de mes jeunes amis Trimouillat, Privas, etc., les poètes-chansonniers du Quartier Latin. »
Sans doute il y avait en Verlaine de quoi contenter tout le monde, et P. Berrichon s’obstine à ses cris de révolte [63] : « Verlaine aura parcouru son temps et traversé notre société en révolté. C’est de 1871 que, vraiment, Paul Verlaine date ; d’aussitôt après la Commune, dont on sait qu’il fut, en qualité de chef de bureau de la Presse. »
Au chapitre de l’amitié, voici un doute [64] : « Dans les heures tristes, tous l’avaient délaissé, sauf les flaireurs » – et voici une affirmation [65] : « Le cercueil de Paul Verlaine s’en est allé au cimetière sans escorte officielle, sans dragons, sans cuirassiers, sans généraux, avec le seul accompagnement de ses amis affligés. »
Sur Verlaine socratique [66] : « Physiquement, il ressemblait à Socrate, et il eut avec ce grand homme plus d’un rapport. Sa principale étude, par exemple, était de se connaître ; aussi Verlaine nous a-t-il laissé mille expressions sincères de ses divers états d’âme. Tel que Socrate encore, et parce qu’il avouait ingénument ses faiblesses, il fut accusé de tous les vices, et si ses envieux ne lui imposèrent pas la ciguë, du moins ils le réduisirent jusqu’à l’inéluctable fin et à la pire misère. »
En février 1896, eut lieu, à la Maison d’Art de Bruxelles, une conférence triple sur Verlaine [67] , par Edmond Picard, Verhaeren, et H. Carton de Wiart. – M. E. Picard « a montré, dans le poète, le sensitif subissant l’influence du milieu, même si ce milieu (le Parnasse) l’oblige à l’impassibilité… À travers sa misère, il est une sorte de Nabi de l’art, un prophète individuel, inspiré par toutes les impressions du dehors et celles, plus profondes, du dedans. » – M. Verhaeren a établi « le rapport entre l’art de Verlaine et la musique ; entre celui des Parnassiens et la peinture, la sculpture. La terrible question du vers libre a été abordée nettement et franchement. La musicalité, le rythme, ne peuvent-ils suffire puisqu’ils ont toujours été l’essentiel ? » – M. H. Carton de Wiart a parlé de Sagesse , de Verlaine poète chrétien, rappelant que « ces chefs-d’œuvre religieux furent mal accueillis par la masse dévote : Verlaine manquait de tenue morale ! Cependant, pour Rubens, les tableaux qu’on dut brûler après sa mort n’ont pas fait proscrire ses peintures religieuses. »
Sur Verlaine à l’hôpital [68] : « Lui-même a plaisamment narré ses villégiatures et ses longues haltes dans les hôpitaux de Paris. Entouré d’amis, de disciples, de peintres ou de sculpteurs jaloux d’éterniser son visage, il goûta dans ces tristes châteaux de la maladie, un loisir fécond en chefs-d’œuvre. C’était vraiment la maison de campagne, le cottage réparateur où, suspendant pour quelques mois son exécrable hygiène, le maître reprenait possession entière de ses forces et de sa volonté : »
Achille Rouquet ( Revue méridionale , Carcassonne, mars-avril 1896), Paul Meissonnier ( l’Ardèche littéraire , Aubenas, 15 février 1896), Henri Degron ( la Plume , 15 novembre 1896), disent l’émotion qui se manifesta à la disparition de Verlaine, la pléiade d’artistes et de lettrés qui suivit son cercueil, et l’impression qu’eut l’assistance, au cimetière : « l’Immortalité déjà s’était emparée de son âme ! »
Un an plus tard, c’est la messe-anniversaire dite à l’église Sainte-Clotilde [69] : « Or, tous étaient là, ce matin. Tous étaient là groupés autour de lui, courbés pendant l’Élévation. Après avoir battu bien des rivages, ils revenaient, les réfractaires, se ranger sous son égide sainte, comme autrefois ; ils étaient là, de force, même ceux qui pour une cause quelconque ne vinrent pas, et leur absence les rendait plus visibles… Et certainement, plus près de Lui, chœur angélique, les Laforgue, les Mikhaël, les Dubus, les Albert Aurier, morts avant l’épanouissement… et Louis Le Cardonnel qui n’a pas dit cette messe… Ô Maître, tous les ans, ton âme veut nous réunir ; elle descendra, tous les ans, parmi nous, comme l’Esprit Saint, pour réconforter les faibles, pour élire de nouveaux servants ou chasser les apostats ; et en nos jours de doute et de décrépitude, où toute foi
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