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Perceval Le Gallois

Perceval Le Gallois

Titel: Perceval Le Gallois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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lui, s’approchait du tronc quand survint un corbeau qui, se posant sur la neige, entreprit de boire les trois gouttes de sang. Perceval s’arrêta, immobile devant ce spectacle qui le fascinait. En voyant la noirceur du corbeau, la blancheur de la neige et la rougeur du sang, il songea aux sourcils de la femme qu’il aimait le plus (23) , à ses sourcils, aussi noirs que l’aile du corbeau ou le jais, à sa peau, aussi blanche que la neige, aux pommettes de ses joues, aussi rouges que sur la neige le sang vermeil (24) .
    Au même moment, Arthur et ses compagnons, qui s’étaient lancés à la recherche de Perceval, parvenaient juste au sommet de la colline qui surplombait la vallée. Ils s’arrêtèrent un instant pour observer le paysage. « Savez-vous, demanda Arthur, qui est ce chevalier à la longue lance que je vois immobile, là-bas, dans le vallon ? – Nous n’en savons rien, répondirent-ils, mais l’un de nous peut aller aux nouvelles. – Bien parlé, dit Sagremor le Desréé, j’y vais. Je saurai bien qui il est. »
    Il piqua donc des deux et se rendit auprès de Perceval. Il lui demanda qui il était et ce qu’il faisait ainsi à contempler le sol recouvert de neige. Mais Perceval était si absorbé par la pensée de la femme qu’il aimait le plus qu’il omit de répondre. Irrité de cette attitude qu’il crut méprisante, Sagremor le heurta de sa lance. Alors Perceval se retourna vivement et l’envoya à terre par-dessus la croupe de son cheval. Sagremor revint piteusement vers Arthur et lui expliqua ce qui s’était passé. « Par ma foi ! s’écria le roi, je n’avais jamais rien vu de pareil ! », et il envoya un de ses écuyers demander au chevalier qui il était et ce qu’il faisait ainsi. Mais le malheureux n’eut pas plus de chance que Sagremor et dut revenir vers Arthur avec une blessure au bras. « Je vais y aller, dit Kaï, et nous verrons bien qui sera le plus fort. Je me charge de le corriger et de l’obliger à nous présenter des excuses ! »
    Kaï se rendit donc en personne auprès de Perceval et l’assaillit de paroles acerbes et désagréables. Or Perceval, se retournant, lui darda sa lance sous le menton et le culbuta à une portée de trait de lui, si bien que Kaï se brisa le bras et l’omoplate. Puis il fit passer son cheval vingt fois par-dessus son corps avant de reprendre sa méditation devant les gouttes de sang sur la neige. De douleur, Kaï s’était évanoui pendant que son destrier s’enfuyait au galop, de manière aussi fougueuse que désordonnée. En le voyant revenir sans son cavalier, les gens d’Arthur se doutèrent bien que le sort n’avait pas été plus favorable à celui-ci qu’à ses prédécesseurs. Ils se rendirent donc en hâte sur le lieu de la rencontre et crurent d’abord que le sénéchal avait été tué. Après l’avoir relevé avec précaution, ils reconnurent que les soins d’un bon médecin suffiraient à le guérir. On le déposa à l’écart, dans un pavillon dressé pour Arthur, et celui-ci envoya quérir des médecins habiles afin de soulager le blessé. Le roi fut très peiné de cet accident, car, en dépit de son caractère et de ses sarcasmes, il aimait beaucoup son frère de lait. Quant à Perceval, malgré le remue-ménage qu’avaient fait les gens d’Arthur tout autour de lui, il se trouvait toujours plongé dans sa méditation.
    Gauvain fit alors remarquer que personne n’avait le droit de troubler d’une manière aussi inconvenante un chevalier perdu dans ses pensées, car il se pouvait qu’il eût subi quelque chagrin, quelque perte, ou qu’il songeât tout simplement à une femme qu’il aimait. « C’est probablement cette inconvenance et cette impolitesse, ajouta-t-il, qui ont causé le malheur de ton sénéchal. Si tu le trouves bon, seigneur roi, j’irai voir si ce chevalier est sorti de sa méditation. Dans ce cas, je le prierai amicalement de te venir voir et de te parler. » En entendant le discours de Gauvain, Kaï éprouva tant d’irritation qu’il se répandit en paroles haineuses et courroucées. « Gauvain ! s’écria-t-il, je ne doute pas que tu ne l’amènes en tenant ses rênes ! Bien minces seront ta gloire et ton honneur pour avoir vaincu de la sorte un chevalier sans doute exsangue et épuisé par de nombreux combats. Au demeurant, voilà comment tu t’es tiré bien souvent d’affaire. Tant que tu conserveras ta langue et tes belles phrases, il te suffira

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