Perceval Le Gallois
nom, s’il te plaît de me le dire. – Douce amie, je ne saurais te le cacher plus longtemps, je suis ce frère qui a causé la mort de notre mère. Oui, je suis Perceval le Gallois, celui qui est parti pour la cour du roi Arthur afin de se faire armer chevalier. Et tu es ma sœur. » Ils se jetèrent dans les bras l’un de l’autre sous les regards ébahis des valets et des servantes qui survenaient à ce moment-là pour dresser les tables. La jeune fille leur déclara que Perceval était son frère, et tous les gens de la maison levèrent les bras en signe de joie. Certains d’entre eux, qui l’avaient connu jadis, ne revenaient pas de surprise à le voir devenu si fier chevalier. Et de longtemps la maisonnée n’avait connu telle liesse. On apporta de l’eau dans deux bassins, et les jeunes gens se mirent à table. On leur servit bonne nourriture et vin clair. Ils burent à loisir et, pendant le repas, parlèrent de tout ce qui leur importait. La jeune fille, qui avait nom Lawri, ne se lassait pas d’admirer son jeune frère et de l’embrasser. Quand ils eurent fini de manger, ils firent enlever les nappes par ceux qui les avaient servis et, se levant de table, allèrent se promener ensemble, près du pont, en un verger bien entretenu. Perceval exprima son désir de se rendre à l’ermitage de leur oncle afin de lui parler et de voir le tombeau où gisait leur mère. Lawri l’approuva : « Seigneur, tu feras bien, et tu m’emmèneras. La campagne en sera plus belle, et je te guiderai par les sentiers de la forêt. – Bien volontiers », dit Perceval.
Sans délai, ils se firent amener les chevaux, et la jeune fille fut vite en selle. Elle était si belle qu’elle avait plus l’air d’une fée que d’une créature humaine. Quant à Perceval, il revêtit son haubert, laça son heaume, suspendit son bouclier à son col et sauta sur son cheval. La lance au poing, il suivit sa sœur qui chevauchait devant lui. Ils entrèrent dans la forêt, se hâtant vers la maison de l’ermite.
Ils en étaient presque sortis quand Perceval aperçut, sur une éminence, un chevalier tout armé galopant sur un grand destrier gris pommelé qui paraissait fort et rapide. Perceval, qui n’allait qu’au petit trot, selon le rythme de sa sœur, commença à s’inquiéter et cria à Lawri : « Chère sœur, arrête-toi, je te prie, car voici quelqu’un qui veut nous agresser. » Effectivement, le chevalier accourut d’une traite et cria à Perceval : « Je te défie pour la jeune fille ! Je la veux, car elle est très belle ! – Quelle insolence ! répondit le Gallois. Ton discours ne me plaît guère. Sache que cette jeune fille est ma sœur et qu’à nul prix je ne souffrirais qu’on l’emmenât de force ! – C’est pourtant ce qui arrivera ! reprit le chevalier. Ne crois pas que tes paroles m’arrêteront : je m’emparerai de ta sœur et de ton cheval, sois-en sûr ! Mais si tu es trop lâche pour les défendre, laisse-moi la jeune fille, et passe ton chemin ! »
Perceval sentit la colère l’inonder. Empoignant ses armes, il répondit d’une voix ferme : « Je tiens trop à ma sœur et à mon cheval pour t’en faire cadeau, vassal ! Et puisque tu me défies, je te défie à mon tour. Tu paieras cher ton impudence ! » Ils prirent alors du recul pour s’attaquer plus rudement, puis ils laissèrent aller leurs chevaux à toute bride en les éperonnant sauvagement. Le chevalier heurta le bouclier de Perceval avec une telle force que sa lance s’y brisa. Mais Perceval ne tomba pas. Revenant en arrière, il frappa à son tour son adversaire et lui assena un tel coup que sa longue lance au fer tranchant fit éclater le bouclier et, s’engageant à travers les mailles du haubert, traversa le corps de part en part. Le chevalier tomba mort du destrier en plein élan. Perceval descendit de cheval et, après avoir arraché sa lance ensanglantée, donna le destrier à mener à sa sœur. Puis, abandonnant le cadavre couché sur l’herbe, ils se hâtèrent de reprendre leur route, car le jour tirait à sa fin.
La lune était claire et belle quand ils parvinrent à l’ermitage de leur oncle. Celui-ci se trouvait dans son oratoire d’où il sortit en entendant le bruit des sabots. Perceval et Lawri le saluèrent, mais il eut beau deviner qu’ils avaient besoin d’un gîte pour la nuit, la pénombre l’empêcha de reconnaître sa nièce. Il leur fit donc simplement signe d’entrer, car
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