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Perceval Le Gallois

Perceval Le Gallois

Titel: Perceval Le Gallois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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jours-là, en effet, règne sur la terre un froid mortel. De même, quand reviennent les changements de lune, la blessure devient plus douloureuse. Aux époques que je viens de te dire, le roi ne peut plus trouver le moindre repos. Un froid rigoureux le pénètre et torture sa chair plus glacée que neige. Or, comme le fer de la lance est enduit d’un poison brûlant, on le pose à nouveau sur la plaie. Il attire le froid hors du corps et se recouvre alors d’un cristal semblable à de la glace. Personne n’est assez fort pour détacher ce cristal du fer. Cependant, Govannon, un habile forgeron, a fabriqué deux couteaux d’argent capables de le découper de façon fort efficace. C’est grâce à une inscription magique qu’il a découverte sur un rocher que ce Govannon a pu connaître la vertu de ces couteaux. On prétend quelquefois que le bois d’amiante ne prend jamais feu ? Eh bien, dès qu’on jette sur l’amiante un morceau de ce cristal, on voit de grandes flammes jaillir, et l’amiante se consume entièrement. Telles sont les merveilles qu’accomplit ce poison sur le fer de la lance.
    « Quand la neige tombe et que le givre envahit les prés et les forêts, le roi ne peut ni marcher ni chevaucher, ni demeurer couché ni se tenir debout. Aussi s’adosse-t-il à un appui qui lui évite de s’asseoir. Il en a grand deuil, soupire et se plaint amèrement. Et quand la lune devient noire, il souffre de la même manière. Il est un étang et une rivière auprès de sa demeure : il s’y fait porter afin d’y savourer la douceur de l’air et de distraire l’atroce douleur que sa blessure lui inflige. Ces journées-là, il les nomme ses journées de pêche. Mais ce qu’il prend de poisson, tandis que le torturent ses souffrances, ne suffirait pas à ses besoins, et c’est en raison de ce passe-temps qu’on ne l’appelle plus que le Roi Pêcheur. Au demeurant, peu importe ce qu’on dit de lui : il ne connaît que la tristesse, la joie lui est étrangère. »
    Perceval reprit la parole : « Je l’ai vu en effet, dit-il. Le roi était dans une barque, sur la rivière, quand je l’ai rencontré. Il avait jeté l’ancre afin, je pense, de prendre des poissons ou de se divertir un peu. J’avais chevauché ce jour-là bien des lieues et j’étais épuisé. Je me demandais avec inquiétude où je trouverais un abri pour la nuit. C’est alors que le roi m’invita chez lui et m’indiqua le chemin que je devais suivre pour atteindre sa demeure.
    — Tu as accompli là une périlleuse chevauchée, dit l’ermite, car tous les chemins qui mènent à Corbénic sont soigneusement gardés. Chacun d’eux est tenu par une troupe d’hommes en armes, et il n’est ruse, feinte ou stratagème qui puissent permettre aux voyageurs de s’y aventurer. Tous ceux qui, à ce jour, ont prétendu passer par là se sont exposés à des dangers terribles. Les gardiens du Graal ne reçoivent personne, hormis ceux qu’ils ont admis. Ils mènent une lutte à mort contre tous ceux qui veulent coûte que coûte violer les frontières du royaume, et ces imprudents risquent leur tête à chaque détour.
    — Cependant, s’étonna Perceval, je n’ai rien vu de semblable lorsque je me suis dirigé vers la demeure du Roi Pêcheur. – Cela prouve que tu devais y aller, répondit l’ermite. Ils étaient tous dans l’impatience de ta visite. Et la jeune fille qui portait le Graal s’attendait à ce que tu devinsses le maître du royaume afin de rendre à celui-ci vie et prospérité. Malheureusement, bien que tu sois habile à parler, tu n’as posé aucune question sur ce que tu voyais, et en cela tu as commis une lourde faute. – Sans doute, cher oncle, admit Perceval, mais je me suis juré de revenir chez le Roi Pêcheur et de poser les questions qu’il attend de moi. Ce serment, je l’ai fait et je ne m’en dédirai jamais. – Je ne saurais te donner de conseil à cet égard, dit l’ermite. – Cependant, dit encore Perceval, cette lance que j’ai vue, quelle est-elle, et d’où vient-elle ? – Je ne puis rien te révéler d’autre, beau neveu. Ce n’est pas moi qui suis allé au château du Graal. Ce n’est pas moi qui guérirai le roi blessé. Ce n’est pas moi qui redonnerai vie et prospérité à son royaume. Je ne suis qu’un ermite qui pleure des êtres chers et qui expie ses fautes. »
    Perceval et sa sœur prirent alors congé de leur oncle et quittèrent l’ermitage sans plus

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