Perceval Le Gallois
son séjour à l’ermitage de son oncle lui étaient sorties de l’esprit…
Le lendemain matin, il entendit un grand bruit à l’extérieur. « Fille, demanda-t-il, que se passe-t-il dans la ville ? – Les hommes de mon père se rassemblent, répondit-elle, car ils doivent combattre aujourd’hui. – Combattre qui ? Veux-tu bien m’expliquer, douce amie ? – Je vais te dire toute la vérité : il est, près d’ici, un comte orgueilleux et cruel que les deux comtés qu’il possède rendent aussi puissant qu’un roi. Il a décidé d’attaquer mon père et d’obtenir ses domaines par la force. Et voilà pourquoi une grande bataille se livrera aujourd’hui. » Perceval se mit à réfléchir, puis il dit : « Douce amie, j’ai une prière à t’adresser : fais-moi obtenir un cheval et des armes qui me permettent de participer au combat. Par Dieu tout-puissant et sur mon honneur, je jure de rentrer aussitôt après dans cette prison. – Volontiers, dit la jeune fille. Tu auras un cheval et des armes, mais je te maudirai si tu ne reviens pas. »
Elle alla trouver les serviteurs de son père et leur donna ses ordres. À Perceval, elle procura de la sorte un cheval et des armes, ainsi qu’une cotte d’armes toute rouge par-dessus son armure, et un bouclier jaune qu’il suspendit à son épaule. Et comme personne, dans la forteresse, ne pensait à lui, Perceval put quitter sa prison, se rendre dans la prairie, et y prendre part au combat. Et il fit si bien qu’il renversa un grand nombre d’ennemis, ce jour-là. Puis, sans se faire remarquer, il réintégra sa prison. La jeune fille lui demanda comment les choses s’étaient passées, mais il ne répondit rien et s’allongea sur sa couche pour se reposer.
Elle alla aux renseignements auprès de son père et lui demanda quel avait été le plus vaillant de ses hommes. « Un inconnu, répondit-il, un chevalier qui portait une cotte d’armes rouge par-dessus son armure et un bouclier jaune à l’épaule. » Tout heureuse de ce qu’elle venait d’apprendre, elle retourna auprès de Perceval à qui elle prodigua cette nuit-là des soins tout particuliers.
Trois jours de suite, Perceval renversa les gens de l’agresseur et, avant que personne pût savoir son identité, il retournait dans la chambre voûtée. Le quatrième jour, il tua le comte en personne. La jeune fille alla au-devant de son père et lui demanda des nouvelles. « Elles sont excellentes ! répondit le seigneur. Le comte a été tué, et c’est moi qui suis maintenant maître de ses deux comtés ! » La jeune fille fut très heureuse, car elle se doutait bien à qui l’on devait la victoire. Néanmoins, elle demanda : « Sais-tu qui a tué le comte ? – Certes ! Seulement, j’ignore toujours son nom. C’est le chevalier à la cotte d’armes rouge et au bouclier jaune. » La jeune fille se prit à rire. « Pourquoi rire ainsi ? lui demanda son père. – Parce que, dit-elle, moi, je le connais ! – Vraiment ? s’écria le père. Alors, je t’en prie, dis-moi qui il est ? – Ce n’est pas difficile, c’est le chevalier que tu retiens en ta prison ! »
Abasourdi, le seigneur se rendit auprès de Perceval et lui dit : « Jeune homme, est-ce toi qui as vaincu mon ennemi et m’as aidé par tes prouesses, alors que tu portais une cotte d’armes rouge et un bouclier jaune ? – Oui, seigneur, répondit Perceval, et ce grâce à ta fille qui m’a fait confiance et qui m’a permis, sous serment, de quitter cette prison. Voilà comment je t’ai obtenu la victoire. – Jeune homme, ton courage et ta loyauté sont dignes d’un prince. Je ne sais comment te récompenser et te faire oublier les mauvais traitements que je t’ai infligés. Je dois le reconnaître, tu as rendu le bien pour le mal, et ta générosité mérite d’être connue de tous. » Il fit immédiatement sortir Perceval de sa prison et le fit habiller richement. Puis, quand l’heure du repas fut venue, il le fit asseoir à la place d’honneur, la jeune fille à ses côtés. « Seigneur, dit-il alors, si tu le désires, je te donne volontiers ma fille en mariage, ainsi que la moitié de mon domaine et la pleine possession des deux comtés que tu as conquis pour moi. – Je te remercie, seigneur, répondit Perceval, mais je ne suis pas venu ici pour prendre femme ou acquérir des terres.
— Que cherches-tu donc ? demanda le seigneur. – Je cherche le chemin qui mène à une
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