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Petite histoire de l’Afrique

Petite histoire de l’Afrique

Titel: Petite histoire de l’Afrique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Catherine Coquery-Vidrovitch
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d’une idéologie religieuse et impériale d’État ? Comment faire d’un petit groupe musulman rigoriste et isolé géographiquement le moteur de la reconnaissance du Soudan occidental comme dar al-islam  ? Ousmane dan Fodio renonça au pouvoir personnel pour se consacrer à la religion dès 1810 ; il partagea son empire entre son frère et l’un de ses fils. Il fit aussi éduquer sa fille, Nana Asma, qui devint une poète reconnue en son temps.
    Implanté plus à l’ouest, Oumar Tall, dit El-Hadj Omar (car il avait fait le pèlerinage à La Mecque), fut un autre de ces grands conquérants ; il étendit son pouvoir à partir des années 1840. La guerre lui permit de réaliser en quelques années ce que la prédication n’était pas parvenue à obtenir en plusieurs siècles. Descendu du haut fleuve Sénégal (zone du Fouta-Toro), il construisit son État en faisant de nombreux adeptes, mais, chassé vers l’est par la poussée française et britannique, il finit aumilieu du siècle par transformer son aventure religieuse en empire de violence et de conquête. C’est pourquoi, au Sénégal, la tradition le concernant est enthousiaste lorsqu’elle évoque la période où il vivait en Sénégambie, sa région d’origine ; mais elle devient négative vers l’est, en Côte-d’Ivoire ou au Mali, où l’on se souvient surtout de ses conquêtes et de la fin de sa vie (qui fut tragique). Il mourut en 1864 dans l’explosion de son refuge transformé en poudrière ; celui-ci, paradoxalement, se trouvait chez les païens de la falaise du Bandiagara. En effet, ce ne furent pas les Européens (qui étaient encore loin) qui eurent raison de lui, mais la révolte de ceux dont il avait conquis le territoire : les Bamana 3 de la région de Ségou (Mali) et les Peuls du Macina dont il détruisit la capitale. Ces derniers ne supportèrent pas d’être asservis alors même qu’ils étaient musulmans.
    D’autres djihads furent menés un peu partout à la même époque en Afrique de l’Ouest. Comment expliquer cette poussée ? On ne peut s’empêcher de penser que ces mouvements, totalement internes dans leur déroulement, répondaient à leur façon aux changements d’équilibre internationaux dont la répercussion se faisait sentir au même moment jusqu’au cœur de l’Afrique. C’était avant que la présence européenne ne soit encore perceptible ou manifestement hostile. Ce que les Africains pouvaient néanmoins éprouver, c’étaient les incidences directes ou indirectes de la révolution industrielleen gestation en Europe. Ils constatèrent par exemple la diminution de la traite des esclaves dans l’Atlantique nord, tandis que le réseau des circuits africains du commerce intérieur, alors en plein essor, ne s’était pas adapté à la fermeture du marché extérieur. La « production » d’esclaves continua de générer des « stocks » qu’on ne pouvait plus écouler ailleurs. Qu’en faire ? Les royaumes négriers de la côte, davantage au fait des intérêts européens, surent tirer profit des conditions nouvelles du marché. Britanniques et Français, en même temps qu’ils arrêtaient d’acheter des esclaves, s’étaient mués en consommateurs de matières premières dont l’industrie européenne devenait friande : les bois de teinture, l’indigo et la noix de kola pour l’industrie textile (les teintures chimiques n’existaient pas encore), les oléagineux tropicaux pour l’huile nécessaire au graissage des machines, à l’éclairage des usines (grâce aux chandelles et aux bougies) et à la fabrication du savon (dit « de Marseille ») mis au point dans la première moitié du XIX e  siècle. La côte était par endroits riche en palmeraies naturelles ; quant aux paysans sénégalais, ils cultivaient (comme en Inde) l’arachide. Les chefs locaux eurent tôt fait de mettre leurs propres esclaves au travail. Le royaume achanti fit de même en produisant de façon intensive la noix de kola : le pays était situé à la lisière de la savane et de la forêt, qui était riche de nombreux kolatiers. Les nouveaux convertis à l’islam de la zone sahélienne en devinrent de gros consommateurs, la noix ayant des qualités d’excitant comparables à celles du café, voire de l’alcool, interdit par leur religion.
    En revanche, les peuples de l’intérieur se trouvèrent désorganisés par ces conditions nouvelles. Or on remarque, de manière évidente chez les Peuls qui

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