Piège pour Catherine
chemin...
Un instant plus tard, Catherine était étendue sur la moelleuse courtepointe d'un lit assez doux. Ses yeux étaient clos, mais elle n'était pas évanouie. Elle sentait, elle entendait tout ce qui se passait autour d'elle, alors même qu'elle n'avait plus la moindre force pour manifester le plus petit signe de conscience. Même ses pensées s'étaient effilochées, diluées et elle avait l'impression de planer dans une atmosphère de brume miséricordieuse. Et puis, surtout, jamais elle ne s'était sentie si fatiguée !
Plantés chacun d'un côté du lit, Tristan et Bérenger la regardaient d'un air perplexe, ne sachant trop que faire. Le page releva les yeux, considéra son vis-à-vis et dit :
— Le voyage a été dur, messire ! Elle avait tellement hâte d'arriver qu'elle est allée au bout de ses forces, surtout après les angoisses du siège. Et maintenant, au lieu de la joie, du soulagement qu'elle espérait... il y a ce désastre. Qu'allez-vous faire pour elle ?
C'était à peine une question. Plutôt une espèce de mise en demeure et Tristan l'Hermite ne se trompa pas sur le ton agressif du page. Il haussa les épaules.
— La confier à l'épouse de l'aubergiste pour qu'elle la déshabille, la couche et veille sur elle. Il faut qu'elle dorme ! Et toi, mon garçon, tu ne ferais pas mal d'en faire autant : tes paupières tombent toutes seules. Moi, je vais voir le Connétable et lui raconter tout cela. Il a de l'amitié pour Dame Catherine : il acceptera certainement de la voir et de l'écouter. Elle seule peut quelque chose pour son mari.
— Est-ce que... Monseigneur est très irrité contre Messire Arnaud
?
Le visage de Tristan l'Hermite se durcit et un gros pli de souci se creusa entre ses sourcils blonds.
— Très ! avoua-t-il. Personne n'aime manquer aussi publiquement à sa parole et le Connétable n'est pas breton pour rien ! La dame de Montsalvy aura du mal à obtenir le pardon de l'imprudent...
— Mais enfin, s'écria le page prêt à pleurer lui aussi, il ne va tout de même pas faire exécuter le comte de Montsalvy pour si peu de chose ?
Tristan hésita puis, enveloppant le garçon d'un regard qui cherchait à jauger sa fermeté de caractère et ses possibilités d'encaissement, il déclara enfin :
— Peu de chose, une parole princière ? Malgré les grands services rendus, cela ne m'étonnerait pas que Montsalvy y laissât sa tête.
— Alors, s'écria le page prenant feu d'un seul coup, prenez garde !
Car il n'y a homme de cœur dans toute la Haute Auvergne qui ne prenne les armes et n'entre en rébellion contre le Connétable s'il ose prendre la tête d'un homme que tous respectent... simplement pour avoir fait bonne justice !
— Oh ! Oh ! Une révolte ?
Cela pourrait aller jusqu'à une révolution, car les petites gens y prendront leur part. Dites bien à Monseigneur qu'il réfléchisse avant de frapper le comte... S'il le fait, c'est tout le pays qu'il frappera. Cela vaut peut- être la peine de laisser crier une bouchère engraissée à l'or de la trahison.
L'ardeur du page arracha un sourire au prévôt. Levant la main, il lui assena dans le dos une bourrade qui le fit trébucher.
— Tudieu, quel avocat vous faites, messire de Roquemaurel !
Vous n'êtes pas du même genre que vos frères, mais vous êtes au moins aussi efficace. Je dirai tout cela fidèlement... et d'autant mieux que j'aime, moi aussi, ces têtes folles de Montsalvy, lui comme elle.
Reste ici, garçon, dors, reprends des forces et surveille ta maîtresse. Je reviendrai ce soir voir comment elle se trouve et lui dire où nous en sommes.
Il se dirigea vers la porte. Au-dehors, on entendait l'escalier crier sous le poids respectable de dame Renaudot qui montait en soufflant un peu, comme il convient quand on pèse près de deux cents livres.
Mais, au moment d'en franchir le seuil, Tristan se retourna, sourcils froncés :
— Mieux vaudra l'engager à ne pas révéler, devant le Connétable et ses pairs, les liens... familiaux qui l'unissent à ce maudit Legoix !
Nul ne sait, à la Cour, qu'elle est de souche roturière. Pour l'illustration des Montsalvy et leur prestige, mieux vaut que l'on continue à l'ignorer.
Bérenger haussa les épaules.
— Je croyais que la noblesse était une maladie ? fit-il goguenard.
— Sans doute ! Mais c'est la seule dont on refuse farouchement de guérir. Et tu n'as pas idée comme ceux qui en sont le plus atteints méprisent les gens bien
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