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Piège pour Catherine

Piège pour Catherine

Titel: Piège pour Catherine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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messire Alban, lorsque vous parlez d'un homme qui cumule les fonctions de Grand Maître de l'Artillerie et de Prévôt des maréchaux.
    — Oh ! L'artillerie ! Ce n'est pas grand-chose : des gueules de bronze dont les boulets vont tomber où ils peuvent ! Cela ne vaut pas un gros escadron ni...
    Peu désireuse d'entamer une polémique sur les mérites comparés des canons et des cavaliers, Catherine, désespérant de voir arriver Bérenger, jeta autour d'elle un regard circulaire et dit :
    — L'heure de l'audience est proche, messeigneurs ! Lequel de vous m'offrira la main pour aller devant le Connétable ?
    Ce fut un tumulte, une ruée. Tous s'offraient et peut- être une bataille eût-elle résulté de cette émulation si une voix, froide et nette, n'avait dominé le vacarme :
    — Avec votre permission, messires, ce sera moi !
    Le silence se fit instantanément, tandis que, tels les flots de la mer Rouge à l'appel de Moïse, la troupe turbulente s'ouvrait en deux. Mais, dans le chemin laissé libre, ce fut un homme, seul et sans armes, qui s'avança.
    Magnifiquement vêtu d'une hucque de velours vert et de chausses collantes, noires, disparaissant dans de longues bottes à revers en daim montant jusqu'à mi- cuisses, le nouveau venu portait avec élégance un grand manteau de velours noir brodé d'or, dont les larges manches déchiquetées laissaient voir la doublure de taffetas vert. Une lourde chaîne d'or passée à son cou et un chaperon de velours vert, dont le pan était retenu par un griffon d'or, complétaient un costume que tous ces provinciaux, vêtus de mailles d'acier et de cuir taché, contemplèrent avec une admiration que n'entachaient d'ailleurs ni critique, ni envie.

    Tous, en effet, respectaient et aimaient celui que l'armée, avec une brutalité nuancée de tendresse, appelait tout uniment « le Bâtard », comme s'il fût seul de son espèce, celui dont le nom réel était Jean d'Orléans et dont l'histoire se souviendrait sous celui de son comté de Dunois '. Mais, pour les femmes, dont il était grand amateur, c'était avant tout un homme plus séduisant que la plupart des autres, plein de charme, de vaillance et de gentillesse... Et, bien que ses armoiries quasi royales
    1 Note de l'auteur : C'est seulement en 1439 que le comté de Dunois fut attribué au Bâtard, mais je lui ai donné ce nom à l'avance pour plus de clarté.
    se brisassent d'une barre d'argent senestre1, le fils de Louis d'Orléans, l'assassiné de la poterne Barbette, et de la belle Mariette d'Enghien, avait rang de prince. En l'absence de son demi-frère, Charles, le duc en titre toujours retenu en geôle anglaise, c'était lui qui gouvernait la ville et les terres d'Orléans à la satisfaction de tous.
    Catherine de Montsalvy, qui connaissait depuis longtemps le prestigieux frère d'armes de son époux, ne s'était jamais trompée sur la qualité du Bâtard et la révérence qu'elle lui offrit aurait satisfait le Roi en personne.
    Dunois, cependant, s'avançait vers elle, se penchait pour lui prendre la main et l'aider à se relever puis, posant sur cette main un baiser plein de courtoisie :
    — L'heure approche, Catherine, dit-il aussi simplement que s'ils s'étaient quittés la veille. Il nous faut aller si nous ne voulons pas être en retard.
    Ainsi donc, c'était lui qui la conduirait jusqu'auprès du redoutable prince breton ? Rose de joie soudaine devant un appui qu'elle n'aurait pas osé demander, elle offrit au nouveau venu un regard brillant de gratitude.
    — Vous me faites si grand honneur, Monseigneur, que je ne sais comment vous l'exprimer. Dites-moi seulement comment vous avez su mon arrivée ?
    — De la même manière que ces messieurs : Tristan l'Hermite qui, je crois bien, a battu pour vous les tambours de la renommée. C'est un homme de devoir intransigeant, même quand ce devoir lui crève le cœur, mais c'est aussi un ami sûr. Quant à l'honneur, ma chère amie, il n'est pas si grand. Vous savez depuis longtemps que je considère Arnaud comme mon frère.

    — Il n'empêche que votre appui me donne meilleur courage. Avec lui, je suis certaine...
    — Ne vous illusionnez pas trop, Catherine. Depuis le drame de la Bastille, je n'ai cessé de plaider la cause de Montsalvy ! Et sans résultat jusqu'à présent ! Aussi est-ce à moi de considérer votre arrivée comme un don
    1 La barre senestre, tracée de gauche à droite sur un écu, indiquait la bâtardise.
    du Ciel, car votre beauté et votre

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