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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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de faiblesse qui auguraient d'une vie brève et l'on se précipita pour qu'il engendre un descendant. La reine Marie donna satisfaction puisqu'elle offrit dix enfants au roi, dont huit filles. On sait qu'il lui resta fidèle presque dix années avant de la délaisser définitivement pour se consacrer au ballet de ses maîtresses. La reine en conçut un vif dépit : elle se retrancha dans une existence obscure, seulement animée de quelques amitiés, de l'amour de ses enfants, et d'une profonde piété à laquelle elle ajoutait une bonté non feinte. Je sais qu'elle soulagea autant qu'elle le put les malheurs des indigents à qui elle distribuait beaucoup des ressources qu'on lui allouait. Dans cette vie toute droite, son seul dérèglement, bien véniel j'estime, fut le jeu. Elle aimait jouer à cavagnole dans ses appartements, y perdant de bon cœur jusqu'à tard dans la nuit l'argent qu'il lui restait. Un jour, elle prit froid, se trouva aussi mal soignée que le furent six de ses enfants déjà emportés par la maladie, et au lendemain de son soixante-cinquième anniversaire, la reine mourut comme elle avait vécu, sans faire de bruit. Le roi en montra un peu de tristesse, avant de retrouver les bras de Jeanne dans lesquels il consola sa peine. Cela vous semble bien cynique, toutefois c'est l'exacte vérité. Le deuil fut court. Et, à la fin du mois de juin, il demanda à Jeanne de le suivre à Compiègne où en ce temps-là, la Cour se retirait pour l'été.
     
    « La reine est morte, vive la favorite. » Voilà ce qui se colportait de moins en moins discrètement dans toutes les coteries. Désormais, la liaison du roi animait les conversations et, de concert avec M. de Richelieu, je jugeai qu'il était temps d'adopter une nouvelle stratégie. Puisque la rumeur affirmait que le roi voyait Jeanne quotidiennement, il nous sembla judicieux de ne plus la cacher. Au contraire, après qu'on eut déniché un bel appartement dans Compiègne, je trouvai à Jeanne deux valets à qui je fis tailler de superbes livrées. Je louai également un équipage complet, cabriolet, chevaux et cocher, avec lequel Jeanne put se déplacer à la vue de toute la ville. Son immense beauté et sa grâce interpellèrent les badauds, autant qu'elles agacèrent nos ennemis. Le roi ne s'émut pas de cette publicité : il était maintenant entièrement décidé à assumer son penchant pour sa nouvelle maîtresse. Il venait de voir la reine s'éteindre, et sa nature morbide lui dictait de ne plus rien négliger pour alléger la crainte de sa fin. Jeanne était la vie, un élixir de jeunesse dont il voulait s'enivrer. Au début de juillet, M. de Richelieu eut avec lui une conversation qui ne laissait plus de doute : le roi regrettait de ne pouvoir ouvrir à Jeanne les portes de la Cour. Ainsi, disait-il, en la voyant, les médisants et les jaloux comprendraient ses choix et il pourrait profiter en toute quiétude de son amour, car c'était ce qu'il souhaitait le plus au monde. On voit combien ce souverain pouvait être naïf, mais cette belle ambition apporta à notre moulin l'eau qui manquait. Celui ou ceux qui donneraient au roi l'occasion d'accueillir Jeanne à Versailles, sans déroger aux règles de l'étiquette, recevraient à jamais sa reconnaissance. La chose était ardue, Jeanne ne possédant pas plus de quartiers de noblesse que de vertu. Et même pour le plus grand roi de l'Europe, il n'était pas possible d'enfreindre les règles sur lesquelles il asseyait son pouvoir. Évidemment, une idée vous assaille. La même me passa par la tête, et pour être très honnête, je l'avais déjà tournée plusieurs fois dans ma cervelle au cours des années précédentes. Une solution pouvait exister. Elle requérait toutefois une bonne dose de culot. Mais n'allons point trop vite. Car, pendant que Jeanne filait la romance dans un carrosse de princesse, je connus quelques nouveaux soucis dans ma maison.
     
    Une fois n'est pas coutume, Simon me donna à cette époque du fil à retordre à cause d'une histoire grotesque qui me força à lui faire à nouveau la leçon. Je vous la conte, car j'en vois que les péripéties de ce garçon intéressent. Un matin, alors que je me réveillais d'une nuit agitée car j'avais couru quelques cabarets du faubourg en compagnie de Nallut – je le gardais sous le coude en prévision de certains projets –, j'attendis les services de Simon plus d'une heure avant de me lever pour constater qu'il ne se trouvait

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