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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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mollement les avances de quelques-unes des filles, quand la maîtresse des lieux m'aperçut. Je la connaissais un peu. Il m'était arrivé, je l'avoue, de m'offrir quelques fois une de ses protégées, une petite brune très bien tournée, qui aurait pu prétendre à un destin si elle n'avait été sourde et muette. Vous connaissez mon goût pour ce qui n'est pas conforme. Bref, la Rampeau s'étonna de ma visite, d'autant que la muette dont je viens de vous parler avait été emportée par la fièvre voilà bien des années. Je lui répondis être à la recherche de quelqu'un d'un âge assez mûr, car j'en avais assez, lui dis-je, des jeunettes inexpérimentées. La Rampeau était elle-même un vieux hibou : je lus dans son regard une expression équivoque. Mais avant qu'elle ne se proposât, je lui citai le nom d'une certaine Louison dont on m'avait dit qu'elle n'était point trop désagréable. La Rampeau tordit le nez. Elle me fit un portrait peu flatteur de sa pensionnaire, mais comme j'insistais, elle finit par la faire appeler.
    Deux minutes plus tard, une bonne femme en cheveux, son opulente gorge à moitié dénudée et le visage tout rougeaud, apparut dans la pénombre du salon. La Rampeau se retira en me soufflant une nouvelle fois qu'elle avait mieux à mon service. Resté seul avec Louison, je la fis approcher. Elle allait au moins sur ses cinquante ans et sa couperose trahissait une habitude que son nez pommelé ne démentait pas. Pocharde à n'en pas douter, elle semblait également affligée d'une infirmité du bras droit qu'elle dissimulait le long de son buste en se tortillant. Je lui demandai de s'asseoir. En même temps, je faisais servir une bouteille d'eau-de-vie : son œil s'éclaira. Elle voulut se rendre aimable en m'interrogeant sur mes préférences intimes. Je la modérai rapidement à ce sujet, et sans m'embarrasser de précautions, j'en venais à l'objet de ma visite.
    — Connais-tu un certain Simon ?
    Louison était en train de boire et manqua s'étouffer.
    — Monseigneur – c'est l'habitude de la tourbe parisienne de donner du monseigneur à ses clients –, il passe par ici beaucoup de Simon, de Jacques ou de Pierre. De quel Simon parlez-vous ?
    — De celui que tu loges chez toi.
    La bonne femme ouvrit grands ses yeux vitreux.
    — Chez moi ? Un Simon ?
    — Cessons ce petit jeu. Je sais qu'un grand benêt qui répond au nom de Simon a trouvé l'asile dans ta maison.
    — Et quand bien même, c'est interdit ?
    — Sûrement pas. Je veux juste que tu me précises quelques détails pour être bien certain qu'il s'agit de mon Simon.
    — Votre Simon…
    — Oui, le mien. Bref, raconte-moi un peu ton Simon. Et si tu m'intéresses, nous commanderons une bonne bouteille plutôt que ce tord-boyaux.
    — Bah… si vous y tenez.
    Et elle me décrivit son Simon qui s'avéra bien être le mien.
    — Bon, repris-je, voilà une chose réglée.
    — Et la bouteille ?
    — Elle vient.
    — Mais pourquoi donc vouliez-vous savoir cela ?
    — Je vais te le dire, mais avant, explique-moi comment il est arrivé chez toi.
    — C'est indiscret.
    Je pris ma bourse dont je tirai un louis.
    — Pour ton histoire, tu auras ce louis.
    — Juste pour que je vous raconte ?
    — Un louis d'abord et d'autres après. Enfin peut-être. Il ne dépendra que de toi.
    — Oh monseigneur, je serai bien soumise, je ne refuse rien.
    — Je n'en doute pas. Raconte, maintenant.
    Louison se servit une rasade d'eau-de-vie et commença son récit. Je vous en épargnerai la retranscription afin d'aller à l'essentiel. Elle m'apprit comment quelque six mois plus tôt, elle avait rencontré Simon dans son commerce. Le bougre allait au bordel en secret et s'était entiché de Louison qui, me dit-elle, lui avait fait découvrir qu'il était un homme. Il la voyait une fois la semaine puis presque deux à trois fois, la couvrant de petits cadeaux et de bonnes bouteilles – qu'il devait voler dans ma cave. Le manège dura si bien que la vieille putain lui proposa un jour de quitter son emploi pour venir la soutenir dans son dur métier. L'âge venant, elle jugea qu'un galant de la carrure de Simon pourrait la garantir des vicissitudes de sa profession. Lui, crétin enamouré, se dit sûrement qu'il avait trouvé un foyer et ne dit pas non. Il me quitta ensuite dans les conditions que vous savez : le mystère était résolu.
    — Simon loge chez toi désormais ? lui demandai-je.
    — Certainement. C'est que je l'aime beaucoup, mon

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