Pour les plaisirs du Roi
pour le rôle.
Pendant ce temps, l'infamie de nos ennemis ne connaissait pas de repos. Un jour, mon fils revint de son service auprès du roi dans un état de nerfs que Jeanne eut beaucoup de mal à apaiser. Un de ses camarades l'avait entrepris sur un sujet dont on sait que pour un gentilhomme il relève toujours de la plus extrême susceptibilité : ses aïeux. Il se disait chez quelques malfaisants que notre maison n'avait pas l'ancienneté qu'on lui donnait. Des pamphlets anonymes – bien sûr – dénoncèrent mon nom comme issu d'une obscure lignée qui trouvait ses racines à peine cent ans plus tôt dans une cour de ferme. On m'accusait ni plus ni moins d'être le descendant d'un régisseur qui s'était un peu enrichi par un heureux mariage, se donnant ensuite un titre de comte dont nul ne pouvait prouver la légitimité. Ces immondes ragots n'avaient pas la moindre véracité, vous le savez, toutefois ils étaient de ceux dont la rumeur aime à se nourrir. La noblesse des du Barry, je l'ai démontré lors de mon arrivée à Versailles, est incontestable et le quart de mes preuves suffisait à confondre les détracteurs. Cependant, en ces genres de diffamation, il est parfois utile de clouer le bec des médisants en produisant des témoignages bien plus énormes que leurs mensonges. Quitte à mentir un peu pour rétablir la vérité. Je m'explique. Vous vous souvenez que ma famille est parente avec la lignée ducale des Barrymore d'Irlande, qui sont, par cousinage, très proches de la famille royale anglaise. J'eus donc l'idée d'étouffer définitivement les persiflages en me rappelant aux bons souvenirs de quelques-uns de mes amis anglais. J'écrivis un courrier à lord Neville – mon témoin dans le duel contre Kallenberg – pour lui demander de faire remettre à lord Barrymore un mot de ma part. J'y expliquais comment Sa Majesté le roi d'Angleterre m'avait parlé de lui – reportez-vous à mon séjour à Londres – et je lui demandais quelques lignes de sa main pour attester de notre parenté. Au début du mois de décembre, le brave gentilhomme répondit qu'il était flatté de notre parenté mais qu'il sollicitait un délai pour en faire établir le lien exact. En matière de généalogie, on sait qu'une recherche peut durer des années. Je décidai d'écourter ce délai pour en passer directement aux conclusions qui ne manqueraient pas d'apparaître. Le fameux atelier qui, quelques années plus tôt, m'avait sur les conseils de M. de Saint-Rémy produit de beaux certificats de ma noblesse, ne rechigna pas à m'établir un courrier attestant des liens étroits entre ma lignée et celle des Barrymore d'outre-Manche. Je disposais de l'écriture et de la signature originale de lord Barrymore, ce qui simplifia le travail.
Vous trouvez la méthode malhonnête ? Peut-être. Mais comment trouvez-vous celle de ceux qui me contestaient mes quartiers de noblesse ? Je vous l'ai dit, contre le mensonge, on est parfois obligé d'utiliser les mêmes armes pour faire valoir son bon droit. D'ailleurs, ce document fut seulement remis au généalogiste de la Cour qui se chargea de faire savoir que les du Barry étaient de très antique et très glorieuse souche. Et rassurez-vous, il n'entre pas dans mes intentions de réclamer les trônes d'Irlande ou d'Angleterre.
Ainsi paré du côté de mes ancêtres, je me remis en quête d'une marraine pour Jeanne. Nous étions au début de décembre et je commençais un peu à désespérer quand le duc de Richelieu me donna des nouvelles de ses recherches. Après avoir entrepris ses parentes et quatre duchesses dont deux lui avaient pourtant témoigné de douces attentions quelques années plus tôt, il était revenu lui aussi bredouille de ses négociations. Chez ces très hautes dames, nulle n'osait risquer de se brouiller avec Mesdames, les filles du roi, qui garderaient à n'en pas douter une belle rancune à celle qui permettrait à Jeanne de s'introduire à la Cour. D'autant plus si le roi, déjà âgé, venait à disparaître, fit remarquer sans détour une estimée duchesse. Notre problème restait entier.
Pourtant, une autre duchesse – qui restera à jamais anonyme, nous le lui avons promis, mais son identité vous surprendrait –, indiqua quelques noms supplémentaires que nous pourrions sonder. Pour ce service, elle ne demanda pas de faveur, mais seulement qu'en cas de réussite on soufflât au roi qu'elle était de confiance. Parmi cette nouvelle liste
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