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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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ne l'empêchait pas de s'imaginer un jour en ministre du roi. Choiseul le savait et il ne ménagea jamais ses efforts pour nourrir des intrigues contre lui, en particulier dans la crise du parlement de Bretagne, où il ne le soutint jamais. M. d'Aiguillon avait juré de s'en venger.
    Jeanne le reçut plusieurs fois dans son appartement, et s'entendit fort bien avec lui, me dit-elle. Chon m'avertit toutefois qu'elle soupçonnait le duc d'Aiguillon de nourrir certaines visées sur Jeanne. Elle avait notamment surpris de ces innocents babillages qui dénoncent des suites plus intimes. Je dus me fendre d'une admonestation à Jeanne : elle me jura d'un air très sincère qu'il n'y avait pas de motifs à m'inquiéter à ce sujet. J'avertis tout de même Chon de me tenir informé des prochaines visites de M. d'Aiguillon : je ne voulais pas qu'il se payât sur mon compte de ses anciennes rivalités avec le roi. Pour l'heure, Jeanne n'était plus à louer 25 .
    24 Ce passage est l'occasion d'éclairer le lecteur sur l'âge véritable de Jeanne du Barry. Au cours du récit, le comte avoue avoir souvent travesti l'âge de Jeanne. Dix-huit, vingt, ou vingt-deux ans, il arrange son acte de naissance à sa convenance. Ici, il est honnête, car si dans le contrat de mariage, Mlle de Vaubernier est déclarée née en 1746, la vérité se doit de retrancher trois années pour avoir le compte exact. La date de naissance de Mme du Barry est donc bien le dix-neuf août 1743.
    25 De nombreux chroniqueurs plus ou moins bien informés ont soutenu que le duc d'Aiguillon avait profité des charmes de Mme du Barry mais personne n'en a apporté de preuve. À cette époque, il apparaît cependant douteux qu'une liaison ait pu se nouer avec le duc. La peur de déplaire au roi comme la surveillance des sœurs du comte ne laissait pas de place à des écarts.

 
    Chapitre XXXIV
    L e vice a sur la vertu l'avantage de ne jamais décevoir. Et quand la Gourdan vint m'avertir qu'on lui proposait cinquante mille livres pour dénoncer ce qu'elle savait sur Jeanne, je ne fus pas surpris qu'elle exigeât de moi la même somme pour se taire. Deux sbires de Choiseul l'avaient entreprise sur le passé de Jeanne, lui laissant miroiter qu'un témoignage public lui vaudrait la somme citée plus haut. Quel crédit apporter à la parole d'une maquerelle me direz-vous ? Aucun, mais la publicité de ces aveux constituerait à n'en pas douter une cause suffisante pour ajourner sine die la présentation de Jeanne à la Cour. Le temps de démonter l'accusation – encore fallait-il le pouvoir –, le parti de M. de Choiseul aurait continué de distiller ses calomnies pour qu'il fût désormais impossible de l'imaginer dans le costume d'une nouvelle Pompadour. La Gourdan le savait bien, et sa nature cupide lui inspira un odieux marchandage. Nos anciennes et bonnes relations, me dit-elle, l'avaient convaincue qu'il valait mieux cinquante mille livres pour garder sa langue que de gâcher notre amitié en déballant les petits secrets de nos métiers. La coquine trouvait là une aubaine de refaire son commerce, qu'un incendie venait de détruire en partie.
    Au moins, cet argent irait à une bonne cause. Car évidemment, je payai ce qu'elle demandait. Il était difficile de refuser, vous en serez d'accord, toutefois je pris soin de l'avertir qu'une nouvelle tentative trouverait une autre réponse. À ce jeu, lui dis-je, la relance expose à perdre gros, surtout lorsqu'on a peu d'atouts pour se couvrir. La Gourdan était sans morale mais pas sans intelligence. Elle saisit qu'il y aurait du danger pour elle à abuser de son avantage et fila en me jurant qu'elle serait une tombe. Peu de temps après, les émissaires de Choiseul revinrent chez elle pour la convaincre de parler : elle leur expliqua qu'elle ne connaissait aucune Mlle de Vaubernier et encore moins de Mlle l'Ange. Elle résista tout autant aux menaces. Je vous l'ai dit, le vice ne déçoit pas.
    Ce pénible épisode finit de me persuader de piquer nos ennemis par une manœuvre qui les découragerait un peu et nous ferait gagner du temps. Avec M. de Richelieu et M. d'Aiguillon, nous décidâmes de faire courir la rumeur de la prochaine présentation de Jeanne. Je payai quelques amis qui tenaient des gazettes de second ordre où l'on put bientôt lire qu'une jeune comtesse serait prochainement reçue à la Cour. Tout le monde comprit qu'il s'agissait de Mme du Barry, même si personne ne l'avait écrit. Dans la

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