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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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Jeanne dans la journée. Il était bien signé de Mme de Béarn. Cependant, en l'examinant de près, quelque chose m'intrigua. Nous sortîmes d'autres lettres de la comtesse et bientôt le mystère s'éclaircit : ce n'était assurément pas la même main qui avait rédigé le billet enjoignant à Jeanne de se rendre chez Mme de Béarn. Et compte tenu de ce qui venait d'arriver, on pouvait sans se tromper désigner l'auteur de ce faux.

 
    Chapitre XXXV
    S imon avait mis trois hommes en déroute à lui seul. Je le félicitai de sa belle tenue, mais avant que le bougre n'en tirât un peu de gloriole auprès de ses congénères, je le calmai vite en le renvoyant à Paris. Je ne voulais pas qu'on ébruite l'affaire. Restait à savoir comment allait se dérouler la suite. Nul doute que M. de Conti était à cette heure en train de ruminer des désirs de vengeance. Quant à M. de Kallenberg, s'il n'était pas mort, il devait se terrer dans l'enclos du Temple pour soigner son horrible blessure. Vous savez comment ce personnage m'exaspérait, cependant j'avoue qu'il ne méritait pas une fin aussi terrible. D'autant que son intervention avait finalement précipité la réussite de nos affaires grâce à mon entrevue avec le roi. Toutefois, il fallait trouver un moyen de se garantir définitivement du prince, et j'avertis M. de Richelieu de ce qui venait de se passer. Nous nous rencontrâmes le lendemain chez Jeanne, où je passai la nuit – pas en sa compagnie.
    Le duc ne voulait pas croire que le prince fût l'instigateur de ce guet-apens. D'après lui, il s'agissait d'une initiative de Kallenberg, qui avait sûrement voulu ne pas rentrer bredouille auprès de son maître. Ou bien, le prince s'était contenté de donner l'ordre de revenir avec Jeanne, et Kallenberg s'était cru autorisé à user de la violence si elle refusait. J'admets qu'il m'était également difficile d'imaginer M. de Conti organiser une si vilaine action. Mais on est parfois étonné de ce qu'un honnête homme recèle de déloyal en son âme quand de puissants bénéfices sont en jeu. M. de Richelieu estima d'ailleurs qu'il serait opportun d'utiliser cette vilaine action pour ramener le prince à plus de docilité. Il écrivit une lettre en ce sens dont je vous donne copie ci-dessous. Elle tenait en peu de phrases :
    « Monseigneur, il est arrivé hier à Versailles un incident fort regrettable dont vous devez déjà avoir eu la chronique, tant je sais votre intérêt pour la noble dame qui en fut la victime. Et je ne doute pas que lorsqu'il est venu à la connaissance du cousin de Sa Majesté l'ignoble manigance employée contre elle, Elle en a été indigné. Malheureusement, il est de mon devoir de vous avertir qu'une personne se réclamant de votre protection a prêté la main à cette vilenie. Il n'est pas besoin d'en citer le nom, car son sang a remboursé son infamie. C'est mieux ainsi puisque nous sommes désormais les seuls à connaître les détails d'un pénible épisode qui pourrait injustement flétrir l'honneur d'un prince. Je suis certain qu'à l'avenir, cette cruelle mésaventure vous gardera des indélicats qui voudraient abuser de votre confiance.
    Je suis, Monseigneur, votre attentionné serviteur. »
    Le duc avait été à bonne école pour la diplomatie : la menace changeait de camp. Selon lui, le prince saisirait que dans cette affaire les choses avaient été trop loin. Désormais, il avait plus à perdre qu'à gagner. Et pour déshonorer Jeanne, il devait maintenant être prêt à sacrifier son honneur : le prix était trop élevé 26 .
    Les jours suivants, aucune réponse ne parvint de l'enclos du Temple. M. de Conti semblait avoir renoncé. Nous n'en étions pas totalement certains, mais il nous fallait nous satisfaire de cette impression. Jeanne s'était remise de sa frayeur, mais ne voulait plus quitter Versailles. De toute façon, un froid glacial s'était installé partout, et le moindre déplacement coûtait son lot d'engelures. Le roi connut à cette occasion une mésaventure qui manqua être fatale à nos plans en même temps qu'à sa personne. Lors d'une chasse dans la forêt de Versailles, son cheval glissa sur de la neige gelée : le roi fut lourdement jeté au sol, et resta un moment sans bouger. On se précipita, affolé. Fort heureusement, après quelques secondes d'étourdissement, il revint complètement à lui. Cependant, quand il voulut se relever, une vive douleur se déclara dans son épaule et son bras

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