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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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droit. Dès qu'il rentra dans ses appartements, les médecins accoururent à son chevet. Ils constatèrent qu'il n'avait rien de fracturé mais un gros hématome donnait du souci. On sait qu'une chute peut causer de grands bouleversements dans la mécanique sanguine, provoquant même parfois des épanchements sournois dans la région du cœur.
    Jeanne attendit fébrilement chaque soir pour rendre visite au blessé. Dans la journée, il ne quittait pas ses appartements, où les médecins et ses filles le veillaient assidûment. Une semaine après sa chute, le bras commença de gonfler. L'inquiétude fut à son comble. Mais Louis XV déjoua une nouvelle fois les pronostics de ceux qui le donnaient pour mort à chacun des fréquents tourments que lui occasionnait sa santé. Un beau matin, il se réveilla guéri.
    Je ne sais si ce fut cette épreuve qui le décida, cependant le même jour, il demanda à Jeanne de hâter les préparatifs de la présentation. M. de Maupeou avait reçu Mme de Béarn, qui revint de son entrevue avec la promesse du gain de son procès – pour ceux qui s'offusqueraient de cette décision, sachez qu'elle avait de solides arguments à faire valoir et qu'on ne fit que lui rendre justice, c'est bien le moins pour un garde des Sceaux. En outre, le roi signa la promesse de donner un régiment au fils de Mme de Béarn, et une première lettre de change de cent mille livres fut établie à son nom par le banquier de la Cour, M. Magon de La Balue. Il en fit une seconde de la même somme afin de parer aux dépenses utiles à la présentation. Je l'encaissai pour me rembourser des cinquante mille livres que m'avait extorquées la Gourdan, rappelez-vous. Nous étions à la fin du mois de février et il ne restait plus qu'à fixer une date pour la présentation de Jeanne.
    Et le clan des Choiseul ? me direz-vous. Eh bien, leur coterie subissait quelques défections. Le courtisan est un prédateur doué de raison : il déchire surtout les proies malades, très jeunes, trop vieilles, ou blessées, bref sans défense. Mais quand il advient qu'une victime s'avère plus résistante que prévu, le courtisan entamera alors une prudente retraite afin de mieux jauger des risques. Ou encore, il préférera attendre la meute pour prendre part à la curée. Car après les échos des gazettes qui donnaient comme certaine la présentation de Jeanne, on discuta beaucoup dans les salons, de Versailles à Paris. Le roi, disait-on, devait être ardemment épris pour oser braver ainsi les convenances et défier jusqu'à sa famille. Même ses filles, dont on savait l'attachement qu'il leur portait, n'avaient su le détourner de sa nouvelle maîtresse. Pourtant, elles ne se bridaient jamais de lui en peindre un sévère portrait. S'il ne leur en voulait point, il se pouvait toutefois craindre qu'il ne témoignât pas une égale mansuétude à l'égard de tous ceux qui prêtaient la main à ces critiques. Beaucoup redoutaient qu'une fois à la Cour, Jeanne ne diligente une campagne de vengeance avec le soutien du monarque.
    Je vous l'ai dit, le courtisan fait presque toujours ses griffes sur plus faible que lui. Et il n'est pas dans ses habitudes de s'attaquer au roi des animaux. Voilà pourquoi le parti de nos ennemis commença de faiblir aux premiers indices d'une présentation prochaine de Jeanne. Comprenant qu'il n'obtiendrait rien en suscitant le scandale autour d'elle, M. de Choiseul imagina une nouvelle stratégie.
    Figurez-vous que ce ministre, qu'une bonne part de mes lecteurs estime sûrement comme un des meilleurs depuis longtemps, se mit en tête de jouer les roués. Lors d'un souper, il se vanta même d'avoir déniché une personne qui éclipserait la comtesse du Barry, me rapporta un de mes amis. La chose me tira un franc éclat de rire, car je le jugeais bien incapable de se mesurer à moi sur ce terrain. Toutefois, il faut toujours se méfier des novices – comme dans les duels ou au jeu. Et je tentai d'en savoir un peu plus sur cette chimère en interrogeant quelques relations qui mangeaient à mon râtelier et à celui du ministre.
    Je n'eus pas longtemps à attendre. On me rapporta qu'une jeune femme, épouse d'un certain M. de S*, se distinguait en effet depuis peu dans l'entourage de M. de Choiseul par une assez belle mine. Cette Mme de S* passait également pour avoir de l'esprit, et le duc de Choiseul crut qu'il avait entre ses mains l'instrument de sa vengeance. Le mari se montra complaisant car il

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