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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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douloureuse. Bien calé dans l'angle de la cabine, je supportai l'épreuve sans broncher, essayant de faire fi des embardées du curé qui se répandait alternativement sur moi ou sur le voyageur de commerce. En face de nous, les cahots du chemin me permirent de jauger un peu mieux des atouts de la jeune mariée. Après presque une heure de ce régime, le prêtre affichait une mine de l'autre monde. Jaunâtre, il suait abondamment, répandant dans la voiture des relents âcres qui se mêlaient aux effluves de lavande du parfum de la fraîche épousée. Le jeune garçon, lui, somnolait. J'en profitai maintenant pour échanger des œillades appuyées avec la mariée qui, jusqu'à l'arrivée à Caussade, notre première étape, ne se déroba pas. Le relais était bien tenu et nous trouvâmes facilement à nous loger. Hasard, ma chambre était contiguë à celle des jeunes époux – je ne fis rien, je le jure, pour forcer le choix de notre hôte du soir. Après le souper que je pris avec le curé, nous allâmes rejoindre les deux tourtereaux pour nous divertir avec une gentille partie de cartes sans enjeux. Je me rendis agréable en perdant à chaque tour et nous nous séparâmes bons amis, en promettant d'agrémenter le jeu de quelques louis le lendemain. Je rentrai dans ma chambre, curieux, je l'avoue, d'entendre si les jeunes mariés faisaient honneur à leur condition – en ces auberges, les murs sont impudiques. J'en fus pour mon indiscrétion car à part quelques bruits fort communs en de tels lieux, rien ne vint me divertir. Après quelques minutes, j'entendis distinctement un ronflement qui me confirma que la nuit serait chaste.
    Le lendemain, la jeune mariée me parut passablement contrariée. Le voyage se déroula sans autres péripéties que deux arrêts pour soulager nos besoins naturels. À cette occasion, on manqua oublier le curé qui s'attarda plus que de raisons dans un bosquet, ce qui sembla dérider la jeune mariée. J'en profitai pour faire un peu d'esprit, teinté d'une sauce légèrement grivoise auquel la jeune dame voulut bien rire de bon cœur. Je considérai cela comme un signal : à l'étape du soir, j'engagerais les hostilités. Comme souvent dans cette sorte d'affaires, le hasard est du parti de l'inconduite et une indisposition fort à propos retint son jeune époux dans leur chambre avant le souper. Nous en profitâmes pour causer. Après nous être jaugés mutuellement – la nature est bien faite, ceux qui se ressemblent se respirent toujours –, elle m'expliqua sans façon que son compagnon était un fort honnête homme mais encore un peu novice dans l'art d'être un époux. Elle ajouta même que le garçon lui prodiguait depuis le premier soir de leur mariage les plus obligeantes démonstrations de respect. Elle me confia s'en étonner, car sa chère mère l'avait prévenue, disait-elle, qu'il est nécessaire qu'un époux sache faire montre d'une attitude mâle les premiers temps du mariage, quitte à ce que les règles de la bienséance en soient un petit peu bousculées. La cause était entendue. Point besoin d'invoquer les avertissements maternels : il était clair qu'elle se languissait de recevoir des hommages dont d'autres avaient déjà dû lui fournir d'énergiques témoignages.
    L'heure du souper arriva et son époux vint nous rejoindre. Il se plaignit d'une migraine qui ne le quittait pas depuis notre arrivée. Je lui dis être moi aussi sujet à ce mal – ce qui est assurément faux, je n'ai jamais eu de douleurs à la tête que lorsque je me la cogne –, mais je disposais d'un remède infaillible pour le dompter : l'eau-de-vie. Il parut s'étonner de cette médication plus propre selon lui à susciter la migraine qu'à l'ôter. J'expliquai alors avec conviction comment ce traitement procédait de la théorie des fluides contraires : puisqu'il avait déjà mal, l'action de l'eau-de-vie agirait en sens inverse, c'était indubitable. Sa jeune épouse confirma qu'elle avait déjà entendu cette méthode. Ne voulant pas être en reste, le curé qui assistait à la conversation se fendit d'un « curare malum per malum » , qui dans un latin de cuisine voulait dire ce que vous avez déjà compris. Bref, mon stratagème était vieux comme le vice : j'enivrai le pauvre garçon avec la complicité de sa jeune épouse. Au deuxième verre du tord-boyaux, le jeune homme reconnut un mieux. Au troisième et au quatrième, il se déclara positivement guéri mais je l'incitai à

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