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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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fatigué. Chon m'apprit également comment le roi continuait de s'aveugler sur la nature de son mal. Dans sa chambre, il flottait comme un air de carnaval, car tout le monde prenait un masque que la vérité contredisait. Le roi s'imaginait notamment avoir eu la petite vérole à l'âge de dix-huit ans, ce qui le réconfortait puisqu'on ne peut l'attraper deux fois. Les médecins le laissaient dans cette croyance, qui, bien sûr, était fausse. Ne pas se penser malade aide à la guérison, dit-on.
    Je restai chez ma sœur jusqu'au dîner : Bischi nous y rejoignit avec des nouvelles fraîches. Le roi se sentait mieux et plaisantait même sur son état. Il avait reçu les ministres, puis ses filles et enfin Jeanne. Tout cela me rassura. Le roi n'était pas à l'article de la mort, et je convins intérieurement que l'on voyait beaucoup de vérolés qui survivaient à la maladie, surtout chez les débauchés. C'est injuste, mais c'est vrai. Après avoir pris congé de mes sœurs, je quittai Versailles pour Paris : j'organisais le lendemain dans ma maison un grand souper en l'honneur du marquis de Tourville, un généreux admirateur de mes protégées. J'eus cependant la prudence de laisser derrière moi Simon, à qui je commandai de rester chez Chon afin de venir m'informer s'il arrivait quelque chose d'important.
    Le soir du trois mai, on s'amusa beaucoup chez moi. Le marquis de Tourville avait eu le bon goût de venir accompagné de cinq jeunes femmes pêchées chez la Gourdan, tandis que six de mes pensionnaires lui firent les honneurs de la maison. Deux autres de mes amis étaient également présents : ils ne furent pas de trop pour nous aider à faire la conversation à tout ce joli monde. Heureusement, quelques-unes de ces dames surent s'occuper entre elles. Les débats durèrent jusqu'à fort tôt le matin. J'étais dans un profond sommeil, et je rêvais qu'une affreuse gorgone me poursuivait, frappant son glaive contre son bouclier, quand j'ouvris tout à coup les yeux : on tambourinait à la porte de ma chambre. Après un bref instant, je criai qu'on entre. C'était Simon, tout essoufflé. J'ai omis de vous préciser que je n'étais point seul : deux jeunes femmes dormaient dans mon lit, leur belle anatomie exposée sans pudeur. Simon s'approcha et me tendit un courrier d'une main tremblante. Je reconnus l'écriture de Chon. J'avais l'esprit très embrumé, si bien que je dus m'y reprendre à deux fois afin de comprendre ce qu'elle avait écrit. J'ai toujours aujourd'hui ce billet en tête, il était fort bref : « Le roi est au courant de sa maladie. Il se pense perdu et il vient d'ordonner à Jeanne de quitter Versailles. Elle doit se rendre ce jour à Rueil chez M. d'Aiguillon. » Je restai un moment assis sur le bord du lit. Mes idées avaient encore du mal à s'agencer, cependant je pressentis qu'une grande catastrophe s'annonçait.
    Moins d'une heure plus tard, je montai en selle et me lançai à bride abattue sur la route de Versailles. Il était quatre heures de l'après-midi lorsque j'arrivai. Je me précipitai chez Chon en longeant les jardins. Il faisait beau et beaucoup de monde s'y promenait. Sur le chemin, par deux fois, il me sembla qu'on chuchotait à mon passage. Arrivé chez ma sœur, je la surpris en train de boucler ses malles. Les fenêtres étaient fermées. Bischi se trouvait là aussi, pleurant à chaudes larmes, le nez dans un mouchoir.
    — Tu n'aurais pas dû venir, Jean, me dit Chon d'une voix lasse. L'air de Versailles n'est pas très bon pour les du Barry depuis quelques heures.
    Bischi sanglota un peu plus.
    — Que se passe-t-il ? Où allez-vous ? demandai-je.
    — Loin d'ici, répondit Chon. Plus les heures passent, moins le roi ne respire. Il s'est rendu compte de son mal. Et nos ennemis sentent venir le moment de leur revanche. Sa Majesté a demandé à Jeanne de partir car il veut être agréable à sa famille. Et à Dieu. Je crois aussi qu'il ne souhaite pas que Jeanne subisse l'humiliation d'un renvoi plus dur.
    — Mais il n'est pas mourant…
    — Depuis ce matin, la suppuration s'est retournée vers l'intérieur… Les médecins sont pessimistes.
    — Où est Jeanne ?
    — Elle vient de quitter Versailles il y a moins d'une heure. Le roi veut qu'elle se tienne chez M. d'Aiguillon, en attendant la suite. Si le pire arrivait, il ne sera pas de trop pour la garantir des dangers. Depuis ce matin, on s'agite beaucoup chez la Dauphine. On dit même que M. de Choiseul n'attend

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