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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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salon, loin des portes.
    — Sa Majesté ne va pas bien, dit-il seulement.
    — Est-ce grave ? le relançai-je.
    Il regarda alors lentement autour de lui pour s'assurer qu'on ne nous écoutait pas.
    — Le roi a la petite vérole… lâcha-t-il dans un soupir.
    Mon sang se glaça, et je crois bien qu'il quitta quelques instants mon visage.
    — Cela est certain ? balbutiai-je.
    — Pour une fois, les médecins sont d'accord. Il n'y a pas de doute.
    — Comment se présente-t-elle ?
    — Pour le moment, on dirait qu'elle veut sortir sans trop de dommage. L'éruption est abondante, surtout sur le visage, ce qui rassure M. Bordeu. Mais le malade est âgé, et il ne faudrait pas que le feu rentre.
    — Que dit le roi ?
    — Il ne sait rien de son mal.
    — Rien ? m'exclamai-je.
    — Rien… Vous savez comme il est. On craint de le tuer en lui disant de quoi il est atteint.
    — Mais cela ne pourra durer.
    — Pour l'heure, cela va ainsi. Il se pense victime d'une fièvre militaire. Personne ne lui dit autre chose. Pas même ses filles, qui le veillent toute la journée.
    — Et Jeanne ?
    — Mme du Barry vient dans la chambre du roi chaque soir, malgré l'avis des médecins.
    — Il a été saigné, je crois.
    — Ne m'en parlez pas, répondit le duc en soufflant. On l'a saigné deux fois. Pour rien, bien sûr, puisque c'est la petite vérole. Mais ce fou de Lemonnier, le médecin de Mesdames, voulut en pratiquer une troisième. Et vous savez que le roi a toujours dit qu'en ce cas, c'est que l'affaire est grave et qu'il faut se préparer chrétiennement à la mort. Lui annoncer une troisième saignée, c'était l'assassiner.
    — Et nous perdre…
    — Vous avez compris. Depuis que le parti de la Dauphine et de Mesdames sait la gravité du mal, ses partisans rôdent autour des appartements du roi avec des mines de conspirateurs.
    — Comment va-t-il maintenant ?
    — Il a la tête rouge et grosse, toute remplie de petite vérole. Le corps n'est pas encore atteint. Bordeu m'assure que si l'éruption reste abondante et sort bien, le venin de la maladie pourrait s'en trouver rapidement tari.
    — Mais pour cela, il faut que le malade soit bien calme.
    — Je m'y emploie, mon ami. Pas plus tard que tout à l'heure, j'ai sermonné l'archevêque de Paris pour qu'il n'alarme pas le roi.
    — Il est ici ?
    — Il l'était. Le pauvre homme est rentré à Paris. Il est malade de la gravelle et a manqué se trouver mal dans la salle des Gardes. Ils ont causé quelques minutes, c'est tout. Mesdames voulaient qu'il préparât le roi, mais j'ai su le décourager. De toute façon, l'archevêque pisse le sang, et il devrait plutôt songer au repos de son âme qu'à faire peur aux mieux portants que lui.
    — Tout cela est bien inquiétant, tout de même. Il ne faudrait pas que le pire survienne…
    Le duc soupira. La fatigue de son visage trahissait maintenant ses soixante-dix-huit ans.
    — Je ne suis pas médecin, mais j'ai déjà vu mourir un roi, un Régent, un Dauphin et des princes à ne plus les compter. Et je dois dire que Sa Majesté n'a pas la mine d'en revenir. Je souhaite me tromper. Cependant, il faut se préparer à de grands bouleversements.
    Il n'en dit pas plus ce soir-là. Nous nous quittâmes vers les neuf heures, et il se rendit à nouveau au chevet du roi. Pour ma part, je restai à Versailles, chez une jeune veuve qui me devait un peu d'argent au jeu. Je ne voulais pas m'absenter en un moment si crucial.
     
    Le deux mai, Versailles se réveilla aux accents de la rumeur d'une aggravation de l'état du roi. Des petits groupes s'étaient formés dans la Grande Galerie, où l'on spéculait sur les allées et venues des médecins. Des suisses fermaient les accès à l'Œil-de-Bœuf, tandis qu'on avait ouvert plusieurs fenêtres pour faire entrer de l'air dans le château. Je cherchai partout M. de Richelieu, mais ne le trouvant pas, je décidai de rendre visite à Chon. Chez elle, on devait certainement savoir quelque chose. Elle parut très surprise de me voir là. Dans son appartement, il me sembla remarquer un peu de désordre, de celui qui annonce les départs. Je lui en demandai la raison : elle fit l'étonnée et me répondit sans conviction qu'elle n'envisageait pas de voyager en ce moment. Cela m'intrigua. Elle me rassura cependant sur la santé du roi. Il avait passé une bonne nuit. Les médecins s'accordaient à penser que l'infection se comportait favorablement, bien que le malade fût toujours très

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