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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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lui dans les appartements d'une de nos relations communes, le prince de Marsan, pour une partie de cartes. En arrivant, je remarquai une agitation inhabituelle vers le salon de l'Œil-de-Bœuf. Vous n'ignorez pas qu'à Versailles tout se sait de la vie des monarques. La comédie de leur existence se joue devant la Cour, du matin au coucher. Ce soir-là, je vis le Dauphin et la Dauphine, ainsi que madame Adélaïde, faire les cent pas devant les appartements du roi, tandis que MM. d'Aiguillon, de Broglie et de Soubise entraient et sortaient des salons, semblant les porteurs de graves nouvelles. La chose m'intrigua d'autant plus que je reconnus M. La Martinière, premier chirurgien du roi, qui sortait de l'Œil-de-Bœuf, la mine soucieuse et l'habit à moitié déboutonné, comme celui d'un homme qui vient d'accomplir une dure besogne. Je restai quelques instants à distance, curieux d'en apprendre un peu plus, lorsque j'aperçus tout à coup Jeanne qui arrivait en compagnie de Chon. Je m'esquivai promptement.
    Le prince de Marsan se fit attendre deux bonnes heures, et nous rejoignit sur les coups de dix heures du soir, l'air passablement contrarié. Il venait de chez le roi. M. de Guibert l'interrogea : lui aussi avait remarqué beaucoup de va-et-vient par là-bas. Le prince nous expliqua que le roi se sentait souffrant. On venait de le ramener du Petit Trianon où il s'était rendu quelques jours plus tôt avec Mme du Barry et peu de courtisans. Les premiers signes d'un embarras se déclarèrent au cours de la soirée du mardi vingt-six. Le lendemain, le roi ne monta pas à cheval pour la chasse mais la suivit en voiture, ce qui ne lui était pas ordinaire. Il faisait fort beau ; pourtant, il se plaignit d'avoir des frissons : on l'emmitoufla toute la journée dans un manteau sans parvenir à le réchauffer. Son entourage jugea alors qu'il avait de la fièvre et lui conseilla de repartir à Versailles. Le roi refusa. Il prit seulement un bouillon, avant de se coucher à huit heures du soir.
    Le jour suivant, un puissant mal de tête le saisit dès le réveil, puis des vomissements. Inquiète, Mme du Barry le décida enfin de rentrer à Versailles. Une fois dans sa chambre, La Martinière lui administra de l'opium afin de l'apaiser et de l'aider à s'endormir. La journée passa ainsi. Au matin du vingt-neuf, le roi n'allait pas mieux. On décida de le saigner par deux fois, ce qui lui procura beaucoup d'agitation et de fortes sueurs ; toutefois, les médecins jugèrent le remède efficace puisque le mal de tête s'estompa. Aussi, afin de faire taire la rumeur qui commençait de se répandre dans Versailles, le médecin Bordeu fit dire que l'état du monarque ne présentait rien d'alarmant. Le roi était coutumier de ces affections passagères, bien que celle-ci fût assez sévère, à en juger par son affreuse mine, nous confia le prince de Marsan qui ne se rappelait pas l'avoir déjà vu comme cela. Ces éclaircissements obtenus, nous jouâmes ensuite jusqu'à très tard, le comte de Guibert abandonnant deux mille livres sur le champ de bataille, preuve que la meilleure tactique ne garantit pas toujours des coups du sort.
    Le trente avril, je rentrai à Paris, où Nallut m'attendait pour régler des affaires pressantes. Cela me tint toute la journée. Le soir, avant de regagner ma maison, je faisais un détour par le Procope pour saluer quelques connaissances. Dans le café, on ne parlait que de la maladie du roi. Aux dernières nouvelles, l'archevêque de Paris avait même été mandé car l'agonie s'annonçait proche. Je connaissais trop les ravages de la rumeur pour ne pas être tenté d'aller moi-même vérifier ce qu'il en était. Je retournai à mon hôtel, et ordonnai à Simon de me réveiller tôt le lendemain pour aller à Versailles. Mais cet âne laissa passer l'heure : nous ne pûmes nous mettre en route qu'à dix heures. Nous étions un dimanche et beaucoup de monde venait à Versailles ce jour-là. À peine arrivé, je tombai sur M. de Richelieu, qui traversait la cour de Marbre pour se rendre chez le roi. Il me salua amicalement, toutefois je le sentis un peu nerveux. Il me donna rendez-vous le soir même pour m'en raconter plus.
    Dans l'après-midi, il y eut un fort orage qui refroidit singulièrement la température. Je retrouvai M. de Richelieu à l'heure dite, dans le salon d'Hercule. Il était encore plus sombre que le matin. Je lui demandai des nouvelles du roi : il m'attira dans un angle du

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