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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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Richelieu, ainsi que quelques meubles qui avaient échappé à la rapacité des créanciers. J'écrivis aussi à Jeanne car j'aurais aimé la voir, mais elle me répondit que le moment n'était pas très bien choisi. Elle ne voulait pas déplaire au puissant duc de Brissac, à qui elle faisait les honneurs de sa maison. On voit comment Mme du Barry n'avait rien oublié de ses talents. Tant pis, je me consolai en lui demandant de me prêter cent mille livres, maintenant qu'elle avait recouvré sa fortune. C'était bien le moins pour tous les revers que j'avais essuyés après sa disgrâce. Elle m'envoya la somme sans tarder.
     
    Les gens du Midi sont versatiles, c'est connu. Et il me fallut peu de temps après mon retour de Paris avant de retrouver l'estime de quelques-uns des notables les mieux en vue de Toulouse. Je donnais de beaux dîners dans un très grand appartement que je m'étais offert tout près de la place Louis-XV, au centre de la cité. C'est là que je rencontrai pour la première fois M. de Rabaudy, au mois de novembre 1777. Ce brave gentilhomme avait trois très jolies filles mais presque rien à offrir en dot pour chacune d'elles. Il me sondait souvent afin de savoir si, par mon entregent, je ne pourrais trouver un agréable et honorable parti pour l'une d'entre elles. Je lui demandai de me les présenter, vous savez mon coup d'œil pour ce genre d'affaires. Les trois étaient fort bien faites, mais la plus jeune, Anne, possédait un piquant bien à elle. Je proposai donc à ce bon M. de Rabaudy d'épouser la benjamine. Vous sursautez ? Allons, je n'avais que cinquante-quatre ans à l'époque, et une belle fortune pour assurer son avenir. D'ailleurs, je lui plus beaucoup, et nous nous mariâmes au mois de février 1778. La noce rassembla la bonne société toulousaine, et depuis, je puis dire que je jouis d'une belle notoriété chez mes compatriotes. Mon épouse a pris le titre de comtesse de Cérès, puisqu'il est dans mon patrimoine depuis 1753. J'ai jugé qu'il valait mieux ne pas ajouter une autre comtesse du Barry dans les annales. Et notre union fait aujourd'hui l'édification de tous 32 .
     
    Mais l'année 1778 distilla également son lot de malheurs. Le pire d'entre eux vérifia ce dont je vous entretenais précédemment au sujet de ma belle-fille. Après que j'eus laissé mon fils et son épouse à Paris, Adolphe fut donc chassé des chevau-légers de la garde. Il resta cependant encore quelque temps dans le métier de soldat, entre Paris et Lille. Sa femme, la vicomtesse du Barry, le suivit en renâclant, lui reprochant en particulier son manque d'ambition, disait-elle. Le pauvre garçon n'était pour rien dans les malheurs du couple, vous en conviendrez, mais elle s'acharna à lui faire penser le contraire. Adolphe était un sensible : il aimait sincèrement sa femme, bien que je vous aie expliqué comment elle le payait de son amour. Et il se mit en tête de faire fortune afin de la reconquérir. C'est une bien stupide idée de vouloir se pousser dans une carrière dont on ne sait rien, uniquement pour plaire. Au cours de l'année 1777, lors d'un voyage à Spa, il rencontra un soi-disant gentilhomme anglais qui se fit son ami, avant de lui promettre une mirifique affaire outre-Manche. Je passerai sur les détails, mais la proposition nécessitait que mon fils se rendît à Bath, en Angleterre. En outre, il fallait, bien sûr, investir quelques milliers de livres dans la chose. Le couple disposait encore de cinquante mille livres dont je leur avais généreusement fait l'avance lors de mon passage à Paris. Ils embarquèrent donc à Calais en compagnie de leur cicérone anglais au début de 1778. Mais arrivé à Bath, mon fils ne reconnut rien du tableau qu'on lui avait dépeint : il refusa d'en savoir plus et demanda qu'on le rembourse. On se chargea cependant de le rassurer, en lui faisant valoir que la situation ne tarderait pas à se démêler. Et savez-vous qui calma sa légitime méfiance ? Ma belle-fille, elle-même. La bougresse – je ne m'excuserai pas de cette insulte – s'était en fait acoquinée avec le pseudo-gentleman anglais, et en retirait des avantages qu'il est inutile de décrire. C'est malheureusement tellement vrai que mon fils, au bout de plusieurs mois d'un manège éhonté, ouvrit enfin les yeux sur cette infamie. Entre-temps, les cinquante mille livres avaient fondu comme neige au soleil. Adolphe était naïf, mais doué de toutes les qualités d'un homme

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