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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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son gracieux corps d'être projeté vers l'avant. Dans l'élan, le jeune homme s'embrocha allègrement la base de la gorge sur la pointe de ma lame. Je n'avais pas bougé d'un pas, et malgré le dramatique de la situation, je confesse que l'impression comique de la scène m'arracha un franc éclat de rire. Le vicomte eu l'air surpris : les yeux tout ronds, la bouche grande ouverte, il expira trop vite pour que je puisse lui présenter mes excuses.
    En détachant ma monture, je me félicitai de n'avoir pas prêté à un simple caillou l'augure d'une funeste issue. En ce moment comme en d'autres, ma pensée s'est toujours défiée de ces superstitions qui donnent aux croyances un empire sur la raison. Ce fut la première et l'unique fois qu'un homme se tua sans mon aide dans un duel, ce qui n'empêcha pourtant pas M. de Choiseul de me juger responsable de la mort du jeune vicomte. C'était injuste, aujourd'hui encore je le maintiens, mais cette triste affaire finit de me perdre dans l'opinion des belles âmes : le garçon avait dix-sept ans.
    11 Nous déconseillons fermement au lecteur de tenter de reproduire ou de s'administrer la potion décrite ci-dessus.
    12 Le comte omet de dire que depuis plusieurs années déjà, il était régulièrement cité dans quelques brochures scabreuses. Sa réputation n'était plus à faire, et la crainte qu'il suscita auprès du parti de Mme. de Pompadour en est la preuve.

 
    Chapitre XVIII
    Q uelques jours après mon duel avec le jeune vicomte de Cernay, ma maison se vida encore un peu plus de ses derniers habitués. Même le très zélé M. de Saint-Rémy ne se montra pas lors d'un souper prévu de longue date et qui rassembla à peine une demi-douzaine de gentilshommes alors qu'une vingtaine d'invitations étaient parties. M. de Richelieu séjournait toujours en Guyenne, le prince de Conti ne sortait plus du Temple, bref, j'étais seul face à mes ennemis. C'est ce moment que ces courageux choisirent pour me menacer sans détour.
    Un matin, Simon m'amena un pli cacheté qui provenait de chez M. de Sartine. Ce dernier n'étant pas du genre à m'envoyer de ses bonnes nouvelles, je craignis qu'il ne s'agisse là d'un grave péril. Je ne me trompais que d'un peu. La menace était au rendez-vous et s'assortissait d'un ultimatum : on me demandait de quitter promptement Paris avant que le tapage de mon affaire avec le vicomte de Cernay n'obligeât à se saisir de moi. La fin de ce pauvre garçon avait ému l'entourage de Mme de Pompadour, car sa mère y était une dame très en vue. Dans son courrier, M. de Sartine expliquait qu'une enquête serait ouverte à mon encontre si je n'obéissais pas. Tout ceci sentait son Choiseul. Avouez que la méthode était tout proprement indigne alors que vous savez maintenant comment se déroula ce drame. Les témoins, qui étaient loyaux, le confirmèrent d'ailleurs, mais cela ne suffit pas à me disculper. L'opinion se monta contre moi. Et si je ne voulais pas qu'une prochaine lettre de Sartine m'envoie croupir dans une geôle, il me fallait donc fuir.
    Qui dans sa vie n'a pas quitté un foyer sous la menace d'injustes représailles ne peut savoir mon déchirement. On ne me donnait que quelques jours pour préparer mon départ, et j'eus d'abord un peu le sentiment, je l'avoue, que la terre se dérobait sous mes pieds. J'écrivis en hâte à M. de Richelieu, puis je distribuai à mes novices un peu d'argent pour qu'elles aient la patience de m'attendre, bien que je ne m'illusionnasse pas sur leur fidélité. Pour ma maison, j'offrais à M. de Saint-Rémy de venir s'y installer à mes frais. Il se fit un peu prier, au prétexte qu'il craignait ce que l'on pourrait en dire à Versailles, mais le souvenir de ma cave le décida finalement à braver les médisances des courtisans. Je fis ainsi avec quelques autres petites affaires et en moins de dix jours, je me tenais prêt à quitter Paris avec soixante mille livres en or et en diamants. Pour aller où ? Je n'en avais pas la moindre idée. M. de Saint-Rémy me suggéra la Belgique ou la Hollande, qui avaient l'avantage de n'être point trop loin de Paris. J'allais me décider à rejoindre Anvers quand une lettre du duc de Richelieu arriva à point nommé. Il compatissait à mes déboires, mais surtout il me donnait le conseil de me rendre à Calais afin de passer en Angleterre. Selon ses informations, qui étaient pêchées à de très bonnes sources, la signature d'un traité de paix définitif ne

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