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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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cette dame, mais outre que son prénom fût également Marguerite, elle ne resta jamais qu'une relation, point une alliée ni une associée. Elle se fera d'ailleurs une réputation sans moi, comme certains d'entre vous le savent, et sa maison est toujours une des meilleures de Paris. La Gourdan, puisque c'est d'elle qu'il s'agit – nous la nommerons ainsi pour ne pas la confondre avec la précédente Marguerite –, se distinguait de ses concurrentes par le soin qu'elle mettait à recruter des filles de qualité, du moins des qualités nécessaires au commerce dont nous parlons. Elle s'était monté une affaire en vue après avoir été en ménage avec un officier d'un régiment du roi qui se lassa d'être cocu et fit ses malles un beau matin. La Gourdan, jeune encore, possédait un rare don pour les choses de l'amour : elle décida de le faire fructifier. Elle s'établit rue Sainte-Anne, puis rassembla autour d'elle des consœurs sur lesquelles elle prit vite l'ascendant. Je m'y rendais souvent, toujours certain de trouver de la nouveauté autant que de la gaieté dans son aimable intérieur. Je décrivis donc à la maîtresse des lieux ce qui m'intéressait, sans bien sûr évoquer les raisons de ma quête. Elle prit bonne note, m'affirmant qu'elle ne manquerait pas de m'avertir s'il s'offrait l'opportunité de me satisfaire.
    Dans les mois qui suivirent, elle me proposa deux ou trois candidates qui ne surent pas me convaincre de parier sur elles. Chacune était belle, certes, mais rien ne les rendait uniques en leur genre. Une d'entre elles, la plus proche de mes vœux, était déjà la maîtresse d'un Italien récemment arrivé de Venise. Ce gentilhomme m'assura cependant qu'il me la céderait pour rien. J'appréciai le geste mais la jeune fille n'était pas de celles qui pouvaient remplir le rôle que je prévoyais, et je déclinai poliment la proposition auprès de son complaisant amant. Ce dernier ne s'en formalisa pas, au contraire, puisqu'il m'invita un soir à vider quelques bouteilles chez la Gourdan, maison dont il s'était fait un repaire. Depuis peu à Paris, il se présenta à moi sous le nom de Jacques Casanova, chevalier de Seingalt. Un titre étrange pour un Italien, mais l'homme parlait le français aussi bien que sa langue maternelle en plus de l'allemand. Nous nous entendîmes fort bien à plus d'un chapitre : je l'invitais fréquemment à mes soupers, où il se montra toujours homme du monde. Spirituel et lettré, il fascinait mes invités par l'étendue de son savoir, ajouté à une faconde toute transalpine. À un cercle plus réduit, il contait également ses aventures galantes, nombreuses comme peu ordinaires, mais qui présentaient toutes les couleurs de la vérité. Il confessait enfin une passion pour l'alchimie et la science des filtres. Cela mérite d'ouvrir une parenthèse.
     
    À cette époque, Paris était rempli de charlatans qui professaient dans un registre occulte. Le fameux comte de Saint-Germain, qu'il m'arriva de croiser chez Mme du Deffand, n'était pas le moindre de ces imposteurs. Il se vantait de ne pas vieillir, de connaître des secrets ésotériques, et faisait croire aux innocents qu'il avait fréquenté la cour de François I er . Il trouva également des naïfs pour lui prêter de l'argent afin de mener des recherches sur l'immortalité – à ce sujet, je crois savoir que le roi ne fut pas le dernier à prêter la main à ces chimères. Le chevalier de Seingalt, en revanche, mettait le plus grand sérieux à ses travaux en la matière, comme je pus en juger. Il me convia quelques fois chez lui, où il s'était installé un cabinet dédié à la chimie. Ce fut là qu'il m'initia à deux ou trois expériences dont ces Mémoires ne sont point le lieu pour en contenir tous les détails. Cependant, l'une d'entre elles mérite tout de même votre attention.
    Comme je l'ai déjà dit, je n'ai aucune estime pour cette troupe de médecins – les plus nombreux – qui saignent leurs patients comme des volailles, ou à défaut les empoisonnent par les mixtures d'autres imposteurs qui se baptisent apothicaires. Car si avant notre siècle on mourait de n'être pas assez soigné, en celui-ci on trépasse souvent de l'être trop, autant que mal. Et le catalogue des malheureux assassinés par les ordonnances de leurs praticiens serait trop long à réciter ici. Heureusement, des hommes de science œuvrent au bonheur de l'humanité dans l'ombre de ces croque-morts : M. de

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