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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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disent. En ce qui concerne leur nourriture, elle n'est pas excellente mais pas pire que celle de l'Allemagne. Les vins sont inexistants, tandis que la bière fait office de boisson nationale. Ils en font d'ailleurs un usage immodéré : un homme ivre est là-bas aussi commun qu'un poisson dans la Tamise. Et du portefaix au grand seigneur, nul n'a de déshonneur à se montrer gris.
    Au physique, ce peuple ressemble aux habitants des royaumes allemands, la beauté en moins. J'y ai vu peu de gentilshommes remarquables à cet endroit, excepté par des statures souvent élevées. Quant aux femmes, celles du peuple sont particulièrement laides. Pour les autres, on rencontre des types qui ne le cèdent en rien aux charmes du continent, avec de surcroît une pâleur de teint et une blondeur qui signent souvent la beauté des Londoniennes. Ce dernier détail, vous vous en doutez, ne fut pas celui que je remarquai le moins.
     
    Deux jours après mon arrivée, je louai à côté de Fleet Street un très bel appartement dont les fenêtres donnaient sur un parc verdoyant. L'Angleterre est le pays des gazetiers et Fleet Street en est le cœur. Pas moins de douze imprimeries y éditent autant de journaux qui informent les Londoniens de la marche de leur pays. Tout est passé au crible et jusque dans le cabinet de leur Prime Minister , on craint ces feuilles, souvent écrites avec beaucoup d'audace. Je ne parlais pas un traître mot de la langue locale, mais il m'arriva quelquefois d'acheter une de ces gazettes pour me la faire traduire par un de mes domestiques qui connaissait passablement le français. En arrivant à Londres, j'avais commandé à Simon de me dénicher quelques gens de maison : il me ramena deux pendards à la trogne roussie par la bière, en plus d'une cuisinière longue et très maigre, ce qui est toujours une tare dans cette profession. Je me contentai du lot, la réputation des domestiques n'étant pas meilleure à Londres qu'à Paris.
    Mes premiers jours furent consacrés à la découverte de la ville. Quelques Français se réunissaient souvent dans une taverne près de la City, me renseigna un de mes deux nouveaux valets. Il s'agissait, pour la plupart, de marchands de Calais et de Boulogne qui s'étaient précipités sur l'île à peine la paix signée : leurs affaires avaient été en jachère trop longtemps. Ils spéculaient particulièrement sur les tissages anglais, ces étoffes tellement estimées chez les modistes du continent. Un de ces négociants, un certain Pierre Nallut, s'offrit bientôt d'éclairer mes pas dans les ruelles de Londres. Il était normand, d'une mine avenante, et prétendait avoir passé dix ans dans cette ville à acheter toutes sortes de produits dont il faisait ensuite le commerce avec la France. Je ne sais si ce conte était vrai, mais l'individu se révéla de bonne compagnie : je pris l'habitude de le recevoir chez moi à souper afin qu'il me guidât dans les arcanes de la cité. Évidemment, Nallut ne brillait pas par sa moralité, ce qui en faisait un compagnon de bamboche fort respectable à mon goût. Avec lui, je découvris les bordels des ruelles de Covent Garden, où nous causâmes du pays avec les fameuses Mothers Midnights. La Taverne de l'Étoile et celle du Canon nous virent également engloutir forces pint plusieurs nuits durant en compagnie d'amies de Nallut dont je m'abstiendrai de décrire les principales qualités. Au bout de trois semaines de ce régime, j'avais mes habitudes dans les meilleurs tripots de Londres. Vous me connaissez, le souvenir de mes mésaventures parisiennes s'était envolé aussi vite que j'avais oublié ma famille dix ans plus tôt. Et j'ai toujours pensé qu'il ne m'aurait pas été difficile de faire souche à Londres. Mais il est des destins auxquels on ne peut se soustraire : le mien plus que tout autre. Un courrier du duc de Richelieu m'informa qu'il travaillait à mon retour en grâce et qu'il ne désespérait pas d'y arriver d'ici quelques mois. Il m'apprit également que Mme de Pompadour n'allait pas mieux : à son avis, la place serait bientôt libre. En attendant, il me réitéra le conseil de me présenter de sa part chez lord Ligonier, celui-ci lui devant un service qu'une vie ne suffit pas à rembourser.
     
    Une après-midi pluvieuse, comme souvent en ce pays, je me fis conduire chez cet éminent personnage dont on me prévint qu'il était déjà très vieux mais toujours très respecté jusqu'à la cour du roi Georges.

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