Prophétie
hésita un instant, avant de me regarder de biais. « Parfois. Les gens me font peur. Ils cherchent à débusquer mes péchés… Vous n’avez pas dit à mes parents ce que… ce que j’ai fait avec cette Jézabel ?
— Vous voulez dire la jeune Abigail ? Non, je ne dirai rien, ni Guy d’ailleurs. La loi nous oblige à garder pour nous vos confidences. Mais vos parents vous aiment, Adam. J’ai pu constater à quel point ils vous chérissent. »
Il secoua la tête. « Ils passaient leur temps à me critiquer, à me dire de me calmer et d’avoir un comportement respectueux. Ils m’ont mis en garde contre les dangers du péché et ils savent que je suis un pécheur.
— Ne se contentent-ils pas de répéter ce que leur dit le révérend Meaphon ? »
Il émit un profond soupir. « Le révérend Meaphon est un homme de Dieu. Il n’a qu’un désir : sauver ses fidèles…
— Vos parents veulent davantage. Ils désirent que vous leur rendiez leur amour. Je sais que votre père souhaiterait que vous travailliez un jour avec lui.
— Je n’en sais rien. On dit qu’un fils qui embrasse la carrière de son père peut lui faire perdre sa réputation. » Il hésita puis ajouta : « Et je ne veux pas être maçon. Ce travail me déplaît. Ça ne m’a jamais plu. C’est l’un de mes péchés.
— Mon père était fermier, mais cela ne m’intéressait pas. Je voulais être avocat. Je n’ai pas considéré ça comme un péché. Dieu ne choisit-il pas nos vocations ?
— Il veut que nous soyons sauvés… Père, abaisse Ton regard vers moi, poursuivit-il en fermant les yeux, daigne me sauver, observe mon repentir… »
Je me relevai lentement, fronçant les sourcils, car les propos d’Adam m’avaient rappelé quelque chose. Je fis alors le rapport avec ce que Timothy m’avait dit sur les visiteurs. J’avais passé tant de temps à essayer de deviner l’identité du jeune homme qui venait voir Abigail que je n’avais prêté aucune attention au reste des propos du gamin. Je me mis à trembler, m’apercevant qu’Adam m’avait par hasard fourni la réponse. Si j’avais raison, je savais maintenant qui était le meurtrier. J’en eus le souffle coupé.
Je sursautai quand la porte s’ouvrit. Ellen entra, chargée d’un plateau. Elle rougit en me voyant. « Monsieur, j’apporte seulement le repas d’Adam. Comme une bonne servante.
— Vous avez été beaucoup plus que ça pour le malheureux Adam, Ellen. J’aurais aimé vous parler à nouveau, mais maintenant je doispartir. J’ai quelque chose à faire, de toute urgence. Je vous remercie une fois de plus pour les soins que vous dispensez à Adam. À bientôt. »
Elle me regarda d’un air perplexe. J’inclinai brièvement le buste, m’éloignai à grandes enjambées, et passai devant la porte de l’homme qui se prenait pour le roi, qui me lança l’ordre de marcher d’un pas plus digne en sa présence. Je devais d’abord rentrer à la maison pour parler à Timothy. Ensuite, j’irais voir Dorothy, car, si j’avais raison, c’était elle qui détenait la dernière pièce du jeu de patience.
Une heure plus tard je frappais à sa porte. J’étais d’abord passé par la maison. Cela avait effrayé Timothy d’être à nouveau questionné sur Yarington et, même s’il ne put me donner le nom qui m’intéressait, il me dressa un portrait qui, s’il ne me fournit pas la preuve indiscutable que mes soupçons étaient fondés, ne les réduisit pas à néant. Cela suffit pour que je me précipite chez Dorothy, m’arrêtant juste un instant pour m’assurer auprès de Joan que Barak n’était pas encore rentré.
Margaret, la femme de chambre, vint m’ouvrir. « Mme Elliard est-elle là ? demandai-je.
— Elle est descendue pour parler au premier clerc de messire Elliard à propos de sommes qui lui sont dues. Certains clients ont profité du décès de messire Elliard pour ne pas régler les honoraires. Ils pensent pouvoir se défiler ! s’écria-t-elle avec indignation, sa voix chantante à l’accent irlandais montant de plusieurs tons. Et on dit que les avocats sont des filous… »
Je lui souris malgré mon impatience. Elle avait soutenu vaillamment Dorothy ces dernières semaines, avait sans doute été la personne la plus proche d’elle, l’avait probablement aidée plus que quiconque. « Vous aimez beaucoup votre maîtresse, n’est-ce pas ? fis-je.
— Elle a toujours été très bonne
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