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Quand un roi perd la France

Quand un roi perd la France

Titel: Quand un roi perd la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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soir même, et qu’il ne
coucherait pas dans la ville. Vétille ! Le cardinal Bertrand de
Colombiers… « Vous voyez, je désigne un Français ; vous devez être
satisfait… » fut expédié pour aller poser sur le front du Bohémien la
couronne de Charlemagne. Six mois après, en retour de cette bonté, Charles IV
nous gratifiait de la Bulle d’Or, par quoi la papauté n’a plus désormais ni
voix ni regard dans l’élection impériale.
    Désormais, l’Empire se désigne entre
sept électeurs allemands qui vont confédérer leurs États… c’est-à-dire qui vont
faire règle perpétuelle de leur belle anarchie. Cependant, rien n’est décidé
pour l’Italie et nul ne sait vraiment par qui et comment le pouvoir s’y va
exercer. Le plus grave, en cette bulle, et qu’Innocent n’a pas vu, c’est
qu’elle sépare le temporel du spirituel et qu’elle consacre l’indépendance des
nations vis-à-vis de la papauté. C’est la fin, c’est l’effacement du principe
de la monarchie universelle exercée par le successeur de saint Pierre, au nom
du Seigneur Tout-Puissant. On renvoie Dieu au ciel, et l’on fait ce qu’on veut
sur la terre. On nomme cela « l’esprit moderne », et l’on s’en vante.
Moi, j’appelle cela, pardonnez-moi mon neveu, avoir de la merde sur les yeux.
    Il n’y a pas d’esprit ancien et
d’esprit moderne. Il y a l’esprit tout court, et de l’autre côté la sottise.
Qu’a fait notre pape ? A-t-il tonné, fulminé, excommunié ? Il a
envoyé à l’Empereur une missive fort douce et amicale pleine de ses
bénédictions… Oh ! non, oh ! non ; ce n’est pas moi qui l’ai
préparée. Mais c’est moi qui vais devoir, à la diète de Metz, entendre
solennellement publier cette bulle qui renie le pouvoir suprême du Saint-Siège
et ne peut apporter à l’Europe que troubles, désordres et misères.
    La belle couleuvre que je dois
avaler, et de bonne grâce en plus ; car à présent que l’Allemagne s’est
retirée de nous, il nous faut plus que jamais tenter de sauver la France,
autrement il ne restera plus rien à Dieu. Ah ! l’avenir pourra maudire
cette année 1355 ! Nous n’avons pas fini d’en récolter les fruits épineux.
    Et le Navarrais, pendant ce
temps ? Eh bien ! il était en Navarre, tout charmé d’apprendre qu’aux
brouilles et embrouilles qu’il nous avait faites s’ajoutaient celles qui nous
venaient des affaires impériales.
    D’abord, il attendait le retour de
son Friquet de Fricamps, parti pour l’Angleterre avec le duc de Lancastre, et
qui s’en revenait avec un chambellan de celui-ci, porteur des avis du roi
Édouard sur le projet de traité ébauché en Avignon. Et le chambellan s’en
retournait à Londres, accompagné cette fois de Colin Doublel, un écuyer de
Charles le Mauvais, un autre des meurtriers de Monsieur d’Espagne, qui allait
présenter les observations de son maître.
    Charles de Navarre est tout le
contraire du roi Jean. Il s’entend mieux qu’un notaire à disputer de chaque
article, chaque point, chaque virgule d’un accord. Et rappeler ci, et prévoir
ça. Et s’appuyer sur telle coutume qui fait foi, et toujours cherchant à
raboter un petit peu ses obligations, et à augmenter celles de l’autre partie…
Et puis, en tardant à cuire son pain avec l’Anglais, il se donnait loisir de
surveiller celui qu’il avait au four du côté de la France.
    C’eût été l’heure pour le roi Jean
de se montrer coulant. Mais cet homme-là, pour agir, choisit toujours le
contretemps. Faisant le rodomont, le voilà qui s’équipe en guerre pour courir
sus à un absent, et, se ruant à Caen, ordonne de saisir tous les châteaux
normands de son gendre, fors Évreux. Belle campagne qui, à défaut d’ennemis,
fut surtout une campagne de gueuletons et mit fort en déplaisir les Normands
qui voyaient les archers royaux piller leurs saloirs et garde-manger.
    Cependant, le Navarrais levait
tranquillement des troupes en sa Navarre, tandis que son beau-frère, le comte
de Foix, Phœbus… un autre jour, je vous parlerai de celui-là ; ce n’est
pas un mince seigneur… s’en allait ravager un peu le comté d’Armagnac pour
causer nuisance au roi de France.
    Ayant attendu l’été, afin de prendre
la mer au moindre risque, notre jeune Charles débarque à Cherbourg, un beau
jour d’août, avec deux mille hommes.
    Et Jean II est tout ébaubi
d’apprendre, dans le même temps, que le prince de Galles, qui

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