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Quand un roi perd la France

Quand un roi perd la France

Titel: Quand un roi perd la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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Monseigneur de Navarre durant le voyage du Vaudreuil à Paris…
le Vaudreuil se trouve dans une des plus belles situations de Normandie ;
le roi Jean a voulu en faire l’une de ses résidences ; il paraît que
l’œuvre qu’il y a commandée est merveille ; je ne l’ai point vue, mais je
sais qu’il en a coûté gros au Trésor ; il y a des images peintes à l’or
sur les murs… j’imagine comment Monseigneur Charles de Navarre, avec toute sa
faconde et son aisance à protester l’amitié, dut s’employer à séduire Charles
de France. La jeunesse prend aisément des modèles. Et, pour le Dauphin, cet
aîné de six ans, si aimable compagnon, qui avait déjà tant voyagé, tant vu,
tant fait, et qui lui racontait maints secrets et le divertissait en brocardant
les gens de la cour… « Votre père, notre Sire, a dû me peindre à vous tout
autrement que je ne suis… Soyons alliés, soyons amis, soyons vraiment les
frères que nous sommes. » Le Dauphin, tout aise de se voir si apprécié
d’un parent plus avancé que lui dans la vie, déjà régnant et si plaisant, fut
aisément conquis.
    Ce rapprochement ne fut pas sans
effet sur la suite, et contribua pour gros aux méchefs et affrontements qui
survinrent.
    Mais j’entends l’escorte qui se
resserre pour défiler. Écartez un peu ce rideau… Oui, j’aperçois les faubourgs.
Nous entrons dans Châteauroux. Nous n’aurons pas grand monde pour nous
accueillir. Il faut être bien grand chrétien, ou bien grand curieux, pour se
faire tremper par cette sauce à seule fin de voir passer la litière d’un
cardinal.
     

XI

LE ROYAUME SE FISSURE
    Ces chemins du Berry ont toujours été
réputés pour mauvais. Mais je vois que la guerre ne les a point améliorés…
Holà ! Brunet, La Rue ! Faites ralentir le train, par la grâce de
Dieu. Je sais bien que chacun est en hâte d’arriver à Bourges. Mais ce n’est
point raison pour me moudre comme poivre dans cette caisse. Arrêtez, arrêtez
tout à fait ! Et faites arrêter en tête. Bon… Non, ce n’est point la faute
de mes chevaux. C’est la faute de vous tous, qui poussez vos montures comme si
vous aviez de l’étoupe allumée sur vos selles… À présent qu’on reparte, et
qu’on observe, je vous prie, de me mener à une allure de cardinal. Sinon, je
vous obligerai à combler les ornières devant moi.
    C’est qu’ils me rompraient les os,
ces méchants diables, pour se coucher une heure plus tôt ! Enfin, la pluie
a cessé… Tenez, Archambaud, encore un hameau brûlé. Les Anglais sont venus
s’ébattre jusque dans les faubourgs de Bourges qu’ils ont incendiés, et même
ils ont envoyé un parti qui s’est montré sous les murs de Nevers.
    Voyez-vous, je n’en veux point aux
archers gallois, aux coutiliers irlandais et autre ribaudaille que le prince de
Galles emploie à cette besogne. Ce sont gens de misère à qui l’on fait miroiter
fortune. Ils sont pauvres, ignorants, et on les mène à la dure. La guerre, pour
eux, c’est piller, se goberger, et détruire. Ils voient les gens des villages
s’enfuir à leur approche, des enfants plein les bras, en hurlant :
« Les Anglais, les Anglais, sauve Dieu ! » La chose est
plaisante, pour les vilains, que d’apeurer d’autres vilains ! Ils se sentent
bien forts. Ils mangent de la volaille et du porc gras tous les jours ;
ils percent toutes les barriques pour étancher leur soif, et ce qu’ils n’ont pu
boire ou manger, ils le saccagent avant de partir. Raflés les chevaux pour leur
remonte, ils égorgent tout ce qui meugle ou bêle le long des chemins et dans
les étables. Et puis, gueules saoules et mains noires, ils jettent en riant des
torches sur les meules, les granges et tout ce qui peut brûler. Ah ! c’est
bonne joie, n’est-ce pas, pour cette armée de bidaux et goujats, d’obéir à de
tels ordres ! Ils sont comme des enfants malfaisants qu’on invite à
méfaire.
    Et même je n’en veux point aux
chevaliers anglais. Après tout, ils sont hors de chez eux ; on les a
requis pour la guerre. Et le Prince Noir leur donne l’exemple du pillage, se
faisant apporter les plus beaux objets d’or, d’ivoire et d’argent, les plus
belles étoffes, pour en emplir ses chariots ou bien gratifier ses capitaines.
Dépouiller des innocents pour combler ses amis, voilà la grandeur de cet
homme-là.
    Mais ceux à qui je souhaite qu’ils
périssent de mâle mort et rôtissent en géhenne éternelle… oui, oui,

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