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Quand un roi perd la France

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Titel: Quand un roi perd la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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toujours
prêts à faire mouvement, et qui interdisaient de changer de chef ou de se
retirer sans permission, « à peine de perdre ses gages et d’être punis
sans épargne », malgré tout cela, un bon tiers des chevaliers n’avaient
pas rejoint. D’autres, astreints à équiper une route ou compagnie d’au moins
vingt-cinq lances, n’en présentaient que dix. Chemises de mailles rompues,
chapeaux de fer bosselés, harnachements trop secs qui craquaient à tout moment…
« Eh ! Messire, comment pourrais-je y pourvoir ? Je n’ai point
été aligné en solde, et j’ai assez d’entretenir ma propre armure… » On se
battait pour referger les chevaux. Des chefs erraient dans le camp à la
recherche de leur troupe égarée, et des traînards à la recherche, plus ou
moins, de leurs chefs. D’une troupe à l’autre on se chapardait la pièce de
bois, le bout de cuir, l’alêne ou le marteau dont on avait besoin. Les
maréchaux étaient assiégés de réclamations, et leurs têtes résonnaient des
rudes paroles qu’échangeaient les bannerets coléreux. Le roi Jean n’en voulait
rien savoir. Il comptait les piétons qui paieraient rachat…
    Il se dirigeait vers la montrée de
ceux de Saint-Aignan quand arrivèrent, au grand trot à travers le camp, six
hommes d’armes, leurs chevaux blancs d’écume, eux-mêmes la face ruisselante et
l’armure poudreuse. L’un d’eux mit pied à terre, lourdement, demanda à parler
au connétable, et s’en étant approché lui dit : « Je suis à messire
de Boucicaut dont je vous apporte nouvelles. »
    Le duc d’Athènes, d’un signe, invita
le messager à faire son rapport au roi. Le messager esquissa le geste de mettre
genou en terre, mais ses pièces d’armure le gênaient ; le roi le dispensa
de toute cérémonie et le pressa de parler.
    « Sire, messire de Boucicaut
est enfermé dans Romorantin. »
    Romorantin ! L’escorte royale
resta un moment toute muette de surprise, et comme étonnée de la foudre.
Romorantin, à trente lieues seulement de Chartres, de l’autre côté de
Blois ! On n’imaginait pas que les Anglais pussent être si près.
    Car, durant que s’achevait le siège
de Breteuil, que l’on envoyait Gaston Phœbus en geôle, que le ban et
l’arrière-ban, lentement, se rassemblaient à Chartres, le prince de Galles…
comme vous le savez mieux que personne, Archambaud, puisque vous étiez à
protéger Périgueux… avait entrepris sa chevauchée à partir de Sainte-Foy et
Bergerac, où il entrait en territoire royal, et continué vers le nord par le
chemin que nous avons suivi, Château-l’Évêque, Brantôme, Rochechouart, La
Péruse, y produisant toutes ces dévastations que nous avons vues. On était
informé de son progrès, et je dois dire que je n’étais pas sans surprise de
voir le roi se complaire à Chartres, tandis que le prince Édouard ravageait le
pays. On croyait celui-ci, aux dernières nouvelles reçues, quelque part encore
entre La Châtre et Bourges. On pensait qu’il allait continuer sur Orléans et
c’était là que le roi se disait certain de lui livrer bataille, lui coupant la
route de Paris. En vue de quoi le connétable, tout de même inspiré par la
prudence, avait envoyé un parti de trois cents lances, aux ordres de messires
de Boucicaut, de Craon et de Caumont, en longue reconnaissance de l’autre côté
de la Loire, pour lui chercher les renseignements. Il n’en avait d’ailleurs
reçu que bien peu. Et puis, soudain, Romorantin ! Le prince de Galles
avait donc obliqué vers l’ouest…
    Le roi engagea le messager à
poursuivre.
    « D’abord, Sire, messire de
Chambly, que messire de Boucicaut avait détaché à l’éclairer, s’est fait
prendre du côté d’Aubigny-sur-Nère…
    — Ah ! Gris-Mouton est
pris… », dit le roi, car c’est ainsi qu’on surnomme messire de Chambly.
    Le messager de Boucicaut
reprit : « Mais messire de Boucicaut ne l’a point su assez tôt, et
c’est ainsi que nous avons donné soudain dans l’avant-garde des Anglais. Nous
les avons attaqués si roidement qu’ils se sont jetés en retraite… – Comme
à leur ordinaire, dit le roi Jean. – … mais ils se sont rabattus sur leurs
renforts qui étaient grandement plus nombreux que nous, et ils nous ont
assaillis de toutes parts, au point que messires de Boucicaut, de Craon et de
Caumont nous ont menés rapidement sur Romorantin, où ils se sont enfermés, poursuivis
par toute l’armée du

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