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Quand un roi perd la France

Quand un roi perd la France

Titel: Quand un roi perd la France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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L’audience frémit de curiosité. Et le débat donna ceci, pour le
plus gros… Phœbus : « Sire, Béarn est terre de franc-alleu, et vous
ne pouvez point me recevoir pour ce qui n’est pas de votre suzeraineté. »
Le roi : « C’est fausseté que vous alléguez là, et qui a été pour
trop d’années sujet de disputes entre vos parents et les miens. »
Phœbus : « C’est vérité, Sire, et qui ne restera sujet à discorde que
si vous le voulez. Je suis votre sujet fidèle et loyal pour Foix, selon ce que
mes pères ont toujours protesté, mais je ne puis me déclarer votre homme pour
ce que je ne tiens que de Dieu. » Le roi : « Mauvais
vassal ! Vous vous ménagez de fourbes chemins pour vous soustraire au
service que vous me devez. L’an dernier vous n’avez point amené vos bannières
au comte d’Armagnac, mon lieutenant en Languedoc que voici, et qui, à cause de
votre défection, n’a pu repousser la chevauchée anglaise ! » Phœbus
dit alors, superbement : « Si de mon seul concours dépend le sort du
Languedoc, et que Messire d’Armagnac est impuissant à vous garder cette
province, alors ce n’est pas lui qu’il faut en remettre la lieutenance, Sire,
mais à moi. »
    Le roi était monté en fureur, et son
menton tremblait. « Vous me narguez, beau sire, mais ne le ferez pas
longtemps. Agenouillez-vous ! – Ôtez Béarn de l’hommage, et je ploie
le genou aussitôt. – Vous le ploierez en prison, mauvais traître !
cria le roi. Qu’on s’en saisisse ! »
    La pièce était montée, prévue,
organisée, au moins par Bucy qui n’eut qu’un geste à faire pour que Perrinet le
Buffle et six autres sergents de la garde surgissent autour de Phœbus. Ils
savaient déjà qu’ils devaient le conduire au Louvre.
    Le même jour, le prévôt Marcel s’en
allait disant dans la ville : « Il ne restait plus au roi Jean qu’un
seul ennemi à se faire ; c’est chose accomplie. Si tous les larrons qui
entourent le roi demeurent en place, il n’y aura bientôt plus un seul honnête
qui pourra respirer hors de geôle. »
     

IV

LE CAMP DE CHARTRES
    La plus belle, mon neveu, la plus
belle ! Savez ce que m’écrit le pape dans une lettre du 28 novembre, mais
dont l’expédition a dû être quelque peu différée, ou bien dont le chevaucheur
qui me la portait est allé me chercher où je n’étais pas, puisqu’elle ne m’est
parvenue qu’hier soir, à Arcis ? Devinez… Eh bien, le Saint-Père,
déplorant le désaccord que j’ai avec Niccola Capocci, me fait reproche
« du manque de charité qui est entre nous ». Je voudrais bien savoir
comment je pourrais lui témoigner charité, à Capocci ? Je ne l’ai point
revu depuis Breteuil, où il m’a brusquement faussé compagnie pour aller
s’installer à Paris. Et qui donc est fautif du désaccord, sinon celui qui, à
toute force, a voulu m’adjoindre ce prélat égoïste, borné, uniquement soucieux
de ses aises, et dont les démarches n’ont d’autre dessein que de contrecarrer
les miennes ? La paix générale, il n’en a cure. Tout ce qui lui importe,
c’est que ce ne soit pas moi qui y parvienne. Manque de charité, la belle
chose ! Manque de charité… J’ai bonnes raisons de penser que Capocci
fricote avec Simon de Bucy, et qu’il fut pour quelque chose dans
l’emprisonnement de Phœbus, lequel, je vous rassure, oui, vous le saviez… fut
relâché en août ; et grâce à qui ? À moi ; ça, vous ne le saviez
pas… sous la promesse qu’il rejoindrait l’ost du roi.
    Enfin, le Saint-Père veut bien
m’assurer qu’on me loue pour mes efforts et que mes activités sont approuvées
non seulement par lui-même, mais par tout le collège des cardinaux. Je pense
qu’il n’en écrit pas autant à l’autre… Mais il revient, comme il l’a déjà fait
en octobre, sur son conseil d’inclure Charles de Navarre dans la paix générale.
Je devine aisément qui lui souffle cela…
    C’est après l’évasion de Friquet de
Fricamps que le roi Jean décida de transférer son gendre à Arleux, une
forteresse de Picardie où tout autour sont des gens fort dévoués aux d’Artois.
Il craignait que Charles de Navarre, à Paris, ne bénéficiât de trop de
complicités. Il ne voulait pas laisser Phœbus et lui dans la même prison, voire
la même ville…
    Et puis, ayant bradé l’affaire de
Breteuil comme je vous le contais hier, il revint à Chartres. Il m’avait
dit : « Nous parlerons à

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