Quelque chose en nous de Michel Berger
de sa sœur aînée Violaine, motarde émérite ; et de François Bernheim, ancien soliste des Petits Chanteurs à la Croix de Bois rencontré sur une plage de Calde d’Estrac, sur la Costa Brava. François est amoureux de Violaine et le piano de l’hôtel Colon comme celui des Sanson à Paris leur fournit la meilleure raison de se fréquenter tous les trois. Lors d’un goûter où ils se produisent pour être agréables à Madame Sanson mère, celle-ci a incidemment convié, parmi cinq ou six autres personnes, Alain de Ricou, directeur des éditions Pathé Marconi. Ce dernier trouve la formule originale et les confie aux deux responsables des nouveaux talents maison. Dans Michel Berger, l’étoile au cœur brisé (Flammarion, 2009) de Grégoire Colard et Alain Morel, Bernheim se souvient de l’accueil frileux : « Ils avaient vingt ans, le même âge que nous, et cela aurait dû nous mettre à l’aise. Mais leur attitude hautaine, directive, nous a littéralement glacés. J’ai trouvé Claude-Michel très fermé et je me suis tourné le plus possible vers Michel, qui n’avait pourtant aucun regard pour moi, s’adressant uniquement à Violaine et Véronique… Vêtu de sombre, avec un pull foncé ras du cou d’où dépassait un col de chemise blanc, Michel arborait une touffe de cheveux absolument étonnante, énorme, frisée, à la mode afro. Pas très grand, plutôt fluet, il en imposait avec un sacré regard de braise. »
Une quinzaine de titres maquettés ne verront pas tous le jour, à l’exception de « Miss Gaffe » de Bernheim, qui figurera sur l’intégrale de Véronique, Et voilà, en 2008, ainsi que « Le soleil » et « Une chanson », qu’elle a composées. « En haute couture, c’est ce qu’on appelle un essayage », dit-elle aujourd’hui.
Leur premier EP paraît le 24 avril 1967, jour des dix-huit ans de Véronique, et comprend « Les mains dans les poches » de Violaine Sanson, « C’est toi qui as gâché notre vie », « Nathalie’s Blues » et « Déchéance » de Bernheim, lequel, malgré les arrangements de Hubert Rostaing qui tente parfois de les faire sonner comme Sonny and Cher, ne connaîtra aucun succès. Comme d’ailleurs le suivant, dont la sortie est annoncée pour le 8 décembre, avec « Il est temps de penser à la neige », « Tu as peur du bruit », « Pour ma symphonie » et « Maria de Tusha », fantaisie tropicaliste signée Véronique (« C’était très beau et je la revendique complètement. »). Mais Bernheim, futur directeur artistique et compositeur pour les Poppys, Louis Chédid, Renaud, William Sheller, Patricia Kaas, etc., s’offusque que Berger n’ait d’yeux – et d’oreilles – que pour Véronique, la benjamine, et l’affronte : le second 45 tours restera collector. Cet incident terminal, ajouté au manque d’intérêt du public et des médias, conduit à la séparation du trio (élève du Cours Hattemer puis des lycées La Fontaine et Molière, Véronique doit repasser son bac, qu’elle ratera une seconde fois), mais pas avant qu’un week-end chez Schönberg, à Vannes, ne débouche sur une liaison entre Michel et Véronique, devenus entre-temps partenaires de piano. S’ensuivra une relation amoureuse sage comme il se doit dans ces années-là, dans ces familles-là, surtout. « On sortait “avec”, mais on rentrait seul », comme le dit joliment Véronique, « Amoureuse » contrariée par les bienséances de son rang et leurs interdits. Très longtemps, ils se fréquenteront dans la journée, mais si Michel est indépendant, grâce à l’appartement de l’avenue de New-York, à droite après la cantine russe, juste avant le pont de Bir-Hakeim où s’écrira leur légende commune, Véronique, plus jeune de dix-huitmois – ça compte alors –, retourne sagement tous les soirs dormir chez ses parents.
Si Michel et Véronique deviennent alors aussi fusionnels, au-delà des affinités musicales patentes et de l’attirance sexuelle, c’est sans doute aussi parce qu’ils viennent du même milieu grand bourgeois éclairé, cultivé, autosatisfait, protestant, nordiste, même si lui s’est clairement engagé à gauche et qu’elle vient de la droite gaulliste. Il est du huitième arrondissement, elle est du seizième (1, rond-point Bugeaud, à deux pas de l’avenue Foch) ; le père de l’un est une sommité du monde médical, celui de l’autre est le député UNR René Sanson, résistant issu d’une famille de banquiers,
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