Quelque chose en nous de Michel Berger

était situé dans la discrète galerie du sous-sol. « Nous écrivions nos chansons chacun chez soi. Nous les jouions ensemble. C’était une complicité et c’était un défi. Une guerre permanente. L’idée était de savoir qui avait écrit la plus belle pièce de la journée. Se bagarrer comme ça, ça vous forge le caractère », précisait-elle plus tard à Jean-François Brieu. « Nous avons découvert ensemble la manière de faire de la musique, me répondait Michel en écho synchrone. À tel point qu’il est difficile de déterminer qui des deux écrivait les chansons, la musique, tant nousétions sur la même longueur d’ondes. Ensuite, nous avons vécu d’autres influences, une autre histoire, et nous sommes devenus des branches différentes de ce qui était à l’origine un tronc commun. Je n’aime pas trop parler de ça, c’est lié à notre vie privée. On a aussi prétendu que je lui avais tout piqué. Ça a vite cessé quand on s’est aperçu que nous faisions chacun des choses de notre côté et que c’était bon. Qui a piqué sur qui ? La question n’a jamais eu de sens. »
    Bernard Saint-Paul, futur producteur de Véronique, apporte toutefois une précision technique intéressante à ce dialogue amoureux en quatre-vingt-huit touches : « Michel lui a appris à structurer ses chansons et à “bluesifier” la nature de ses accords. » En revanche, il ne croit pas à la fiction médiatique de la fusion conceptuelle et en minimise l’impact. « Il s’agit d’une arnaque entretenue. Elle rencontre Michel. Il prend le truc en main et structure l’histoire, ce qu’il sait faire remarquablement, moyennant quoi ils font ce premier album de Véronique chez Warner, mais c’est lui qui organise toute la musique. Il lui apprend comment faire un arrangement complet en partant du piano plutôt que se contenter de plaquer des accords d’accompagnement. Comment en ajouter autour pour atteindre un maximum de musicalité. Elle a un timbre de voix très intéressant, elle est mignonne, mais c’est pas encore ça. Elle a repéré le vibrato de Julien Clerc et va s’en inspirer. »

    Vanina Michel, qui les a bien connus tous les deux, atteste de leur empathie. « Ils étaient faits l’un pour l’autre. Si on ferme les yeux, c’est la même voix. J’étais fascinée par leur gémellité. On aurait dit des clones l’un de l’autre. C’est lui qui m’a fait rencontrer Véronique, que j’adorais. C’est étrange comme leurs univers étaient proches. Même façond’écrire et de composer. Quand j’ai connu Michel, en 1969, Véronique l’avait déjà quitté une première fois. Malgré leur séparation, ils étaient restés camarades et complices, et puis, à l’époque, on était jeune, on était ensemble, et puis non, et ensuite de nouveau. Je me souviens des premiers concerts de Véronique au restaurant Jules-Verne de la Tour Eiffel : nous étions tous là, famille, amis, pour la soutenir. Aucun amour ne meurt ! » Françoise Hardy est là aussi, selon la légende accompagnée de Nick Drake, pour la voir se produire en première partie de Guy Mardel. Elle confiera à Bernard de Bosson : « Quand tu as découvert Véronique Sanson et qu’elle a sorti cet album, Amoureuse, il y a vraiment eu un avant, et un après. »
    Avant qu’ils ne tombent amoureux et n’inventent la chanson française rock à quatre mains et deux cœurs, lorsqu’ils se retrouvent tour à tour chez leurs parents respectifs puis, à partir de 1971, dans l’appartement de l’avenue de New-York au frigo orphelin, mais encombré de piles de disques, dans lequel résonnent les Beatles, Donovan, Cat Stevens, Pink Floyd, Robert Charlebois, puis bientôt King Crimson, Emerson, Lake and Palmer et Crosby, Stills and Nash, sans oublier la Rhapsody in Blue de Gershwin qui les a tous les deux subjugués, Véronique et Michel se sont rencontrés chez Pathé Marconi. Avec Claude-Michel Schönberg, il a en effet réalisé les deux 45 tours 4 titres des Roche Martin, oscillant entre Swingle Singers, Double Six et Peter, Paul and Mary ou Mamas and Papas (aujourd’hui, on parlerait des Fleet Foxes !). Ce trio parisien est constitué de Véronique, tout juste majeure, à peine remise d’une méningite subite qui l’a plongée dans le coma après qu’elle eut senti une bombe exploser dans sa tête à la sortie d’un cinéma de Monte-Carlo,et l’a laissée sans la moindre mémoire de ce qui lui est advenu avant ses quinze ans ;