Quelque chose en nous de Michel Berger
Moonlight Mile »).
Auparavant, il y aura eu, parmi d’autres sans doute, « La chanson d’adieu » de Michel, fausse clôture, l’autofiction de leur histoire qu’est « Le bonheur à tout prix », ce « Rendez-vous sur La Cienega », immense boulevard bordé de palmiers qui descend jusqu’à Inglewood depuis Sunset Boulevard à West Hollywood où Michel enregistre, pas si loin de là où vit Véronique, à Sherman Oaks, dans la vallée de San Fernando. « Tant d’amour perdu », aussi, vraisemblablement, même s’il est toujours délicat de prêter à un auteur des intentions précises, surtout posthumes. Et enfin, l’exceptionnel « La minute de silence », deuil d’un amour décidément aussi inoubliable qu’inconsolable.
De son côté, elle lui aura encore répondu combien il l’aura rendue « Redoutable », lui rappelle leur « Étrange comédie », lui envoie de masochistes « Morbides pensées » qui disent toute son admiration. « Toute une vie sans te voir », en somme, qui s’adresse autant à son fils, Christopher Stills, dont elle ne parvient pas, pendant des années, à obtenir la garde, qu’à Michel qu’elle se désole de ne plus pouvoir qu’imaginer. « L’amour qui bat », encore et toujours, dans la mémoire et dans les veines, métronome de destins qui font mal, qui font mal…
Dans la réalité, ils se sont revus à plusieurs reprises. Cela a commencé par un appel de Michel, un soir à L.A., après deux ans et demi de silence absolu. Puis il y a eu une rencontre dans le bureau de Warner à Paris, où Véronique, embarrassée, lui présente Christopher, le fils qu’elle n’a pas eu avec lui. L’enregistrement ducaritatif « SOS Éthiopie » de Renaud au printemps 1985, et enfin, les retrouvailles autour du piano de Michel, dans son studio d’enregistrement hi-tech tout blanc du 5 ter, passage Geffroy-Didelot, aux Batignolles.
Et puis, il y aura « Allah ». Luigi Calabrese, qui a succédé à Bernard de Bosson à la tête de WEA, dont les bureaux ont déménagé près de la Maison de la Radio, 100, quai Kennedy au-dessus du Ken Club, estime que la chanson de Véronique n’est pas assez forte pour lancer l’album Moi, le venin . Il suggère de la faire réorchestrer par un autre de ses artistes… Michel Berger !
« Je me souviens d’un dîner surréaliste chez Michel et France, tous les quatre avec ma femme Françoise, dit de Bosson aujourd’hui. Il me fait entendre “Allah”. “Luigi et Véro voudraient que je refasse la production”, m’annonce Michel. “S’ils ne vont pas à l’hôtel après, pourquoi pas ?” propose France avec sa malice et son humour espiègle habituels. Elle trouvait que c’était une bonne idée. Mais Michel avait peur. Et il a été furieux du résultat. Il estimait que la chanson n’était pas bonne. »
Lorsque je l’interroge chez lui, rue de Monceau, à ce propos, fin 1988, en effet je perçois bien à ses mimiques et à son langage corporel qu’il compte sur notre complicité pour comprendre, au-delà des termes prudents qu’il emploie pour la radio, qu’il ne pense rien de bon de ce morceau, persuadé que ses efforts ne changeront rien au destin d’un album relativement faiblard, que Véronique vient défendre tout un dimanche après-midi à mes côtés sur Europe 1. Il est navré, ne montre en tout cas aucune émotion, aucune fébrilité. De son côté, elle n’est pas emballée par le résultat, trouvant « trop froide » la nouvelle version de Michel réalisée à Gang avec Serge Pérathoner,Claude Salmieri et Janik Top. « On a fait ce qu’on a pu, un soir, en catastrophe », regrette le bassiste.
S’ensuivra en février la fameuse « affaire “Allah” » qui m’opposera, avec Libération, Bayon en tête, qui signe un éditorial titré « Elle jouait du pipeau couchée », à l’équipe de Véronique. Yves Simon lancera alors, avec l’aide d’Harlem Désir et la mienne, plus modeste, son appel dans Le Monde au « refus des diktats de tous les intégrismes », signé par une prestigieuse théorie d’artistes moins craintifs, qui mettent la main à la poche pour en payer la publication, de Johnny Hallyday à Little Bob, de Joan Baez à Peter Gabriel et à Wim Wenders (mais pas Gainsbourg, qui tergiverse), défendant la liberté d’expression de Véronique malgré elle, qui retire, face aux « menaces terroristes », la chanson incriminée de son répertoire à l’Olympia. Mais continue de se produire chaque
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