Quelque chose en nous de Michel Berger
emballée, a-t-elle été manipulée, débordée par les excès de zèle, notamment la promptitude de son père à saisir les autorités parisiennes – on ne saurait lui reprocher de s’inquiéter pour sa fille, lui qui a vécu la guerre –, s’est-elle retrouvée coincée par une fable impossible à nier, sait-elle des choses que personne, mais alors absolument personne, ne connaît ? Croit-elle vraiment que ces menaces provenaient réellement de l’extrêmedroite (que sa chanson aurait pourtant dû arranger), ce qui n’a aucun sens, et aucun fondement ?
Ça ne l’empêchera pas plus tard, à son tour, de chanter « Diego, libre dans sa tête ». Pénitence ? Désir de se racheter ? De se rapprocher de Michel ? Si elle est vraiment convaincue depuis que la liberté nécessite du courage et de l’engagement, tant mieux, et bravo. Nous sommes restés brouillés longtemps à cause de cette histoire, sans que cela n’empiète sur mon admiration. Véronique est une artiste exceptionnelle, extraordinairement inspirée, une des meilleures que j’aie jamais connues. J’avais d’ailleurs peu après recommandé à Joan Baez d’enregistrer « Ma révérence » – ce qu’elle n’a pas fait, préférant…« My Way » dans la version des Gipsy Kings (« A mi manera »), soit France à Véronique !
Entre Michel et elle, en revanche, les choses s’étaient apaisées après ce regrettable épisode, si l’on en croit Marc Kraftchik, présent tous les soirs lors de l’Olympia suivant de Véronique, en 1991. « Michel était venu. Ce soir-là, ils se sont enfermés dans la loge de Véronique pendant deux ou trois heures, porte fermée et surveillée par un garde du corps black avec lequel il était venu, alors que d’habitude elle restait ouverte, et qu’on y buvait des caisses de vin pendant toute la soirée. “On avait des choses à mettre au point”, m’a-t-elle expliqué ensuite. »
Après la disparition de Michel, malgré deux duos tendus à Taratata en novembre 1993, sur « La groupie du pianiste » qu’elles sont toutes les deux, et « Je reviens de loin », également de leur « ange gardien », où elles se donnent l’accolade à la fin, les relations entre Véronique et France se dégradent sérieusement.
En cause, une affaire familiale, privée, morbide et parfois sordide, dans les arcanes de laquelle nous ne rentrerons pas, par respect pour les personnes concernées. Elle doit malgré tout être abordée, sans en relater les détails personnels, en raison de ses conséquences qui, elles, ne sont pas étrangères à l’histoire tragique de Michel Berger, traitée ici non comme hagiographie au service des uns ou des autres, mais comme celle d’un personnage historique, toutes pierres retournées, comme je l’ai toujours fait pour les génies et les jobards du rock qui constituaient jusque-là ma matière.
Elle débute le 19 juin 1998, six mois après la mort de Pauline, lorsque France Gall demande le transfert de la sépulture de Michel Berger de la double tombe des Hamburger où il a été inhumé auprès de son frère Bernard, afin qu’il rejoigne celle, voisine de vingt mètres, qu’elle a acquise pour qu’y repose leur fille. Le conflit va l’opposer à Françoise Hamburger, épouse Marny, dite Franka Berger, à qui sa mère a fait donation en mai 1995 du petit caveau familial qui jouxte la tombe identique de son ex-mari, le professeur Hamburger. C’est cet acte qui va rendre le nombre de candidats à l’inhumation dans ce petit caveau de six places ingérable en raison de l’inflexibilité des positions des très nombreuses parties concernées, seulement unies par un sentimentalisme paroxystique. « Une affaire très compliquée dans un contexte familial très complexe », m’explique dans son hôtel particulier de la rue de la Tour des Dames Jean-René Farthouat, ancien bâtonnier de Paris qui représentait les intérêts de Franka.
C’est Bernard Saint-Paul qui révèle en quoi cette histoire va influer sur les relations entre France Gall et Véronique Sanson. « La petite Pauline Hamburger, qui se sait condamnée, fait un testament et dit à samère : “Je sais que je vais mourir. Je voudrais être enterrée à côté de papa.” France demande à Annette Haas qui n’avait plus toute sa tête que le cercueil de Michel Berger puisse rejoindre le caveau des Gall. Fin de non-recevoir. Franka Berger essaie d’ameuter du monde pour contrer la volonté de France, et la seule
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