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Quelque chose en nous de Michel Berger

Quelque chose en nous de Michel Berger

Titel: Quelque chose en nous de Michel Berger Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Yves Bigot
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j’étais une tombe. » Michel le sidère un jour de 1981 où Véronique se produit au Palais des Sports en lui demandant de l’y accompagner. « Écoute ce qu’elle me dit et tu comprendras tout », lui confie-t-il en le poussant du coude. « Jusqu’au bout, cette fascination perdurera, affirme Grégoire, et différentes chansons que France prend pour elle en témoignent, comme “Quelques mots d’amour”. Michel était heureux avec France, de ce qu’il appelait“un amour de laine”. Sa relation avec Véronique était un souvenir de folie. Elle aimait sortir, faire la fête, boire, fumer de tout, alors que lui était farouchement contre. Un jour que quelqu’un que je ne puis nommer m’a fait fumer mon premier joint, j’en ai ri pendant une demi-heure, mais il était furieux tellement il y était opposé. Il était certain d’avoir perdu Véronique à l’alcool et à la drogue, et cela le paniquait. À l’époque, il avait voulu en mourir. »
    Michel restait-il réellement épris de Véronique, ou tout du moins de la rémanence de leur aventure sauvage, débridée, romantique, en comparaison du confort domestique et de la sécurité affective que lui offre France ? Il n’est pas besoin d’être Lacan, ni Julia Kristeva ou Camille Paglia, pour comprendre qu’une relation brutalement interrompue comme le fut la leur en devient automatiquement idéalisée, obsédante, et habite nécessairement les rêves, imaginations, cauchemars, libidos, inspirations, de ses protagonistes, particulièrement lorsqu’il s’agit d’individus aussi capteurs que des musiciens, sans qu’il s’agisse proprement, comme le redoute alors Grégoire, d’un « adultère virtuel ». Il est seulement fantasmé, projeté, imaginé, envisagé, comme une théorie, abstrait, support de toutes les spéculations, ce que sont, précisément, les chansons, d’amour en particulier. Et ne signifie en rien un attachement autre qu’à ce souvenir de séparation d’avec cette amante ectoplasmique, qui comme dans la psyché de tout homme s’est confondue avec le sevrage traumatisant de sa mère, et constitue en cela un ferment érotique puissant, sans débordement aucun sur la vie réelle. Mais allez expliquer ça à une femme, surtout si elle se sent attaquée, dépossédée, humiliée, par cette découverte d’un jardin secret, même s’il n’est fertileque de fantasmes… et éventuellement de chansons, où le sentiment est réel, mais seulement représenté.
    Tout ça pour dire qu’un auteur, un artiste, est égoïste par nécessité. Tout ressenti, tout filament d’émotion, ombre de sentiment, bribe de sensation, constitue le bout de fil d’une potentielle pelote à venir et, en tant que tel, comme une bouée de sauvetage, ne saurait être écarté, même pour des raisons de morale, de régularité, de fidélité. Et, comme l’épisode du premier album de Michel Berger, chroniquant théoriquement la rupture avec Véronique avant même que celle-ci ne survienne, il se trouve qu’en plus la crainte de la perte d’un amour constitue un combustible puissant pour nourrir le manque sans lequel le besoin de création ne naîtra même pas. Il est facile de s’imaginer que Michel, comme Véronique, ont eu tout intérêt à ne pas cautériser cette blessure fondatrice, mais, au contraire, à l’entretenir, la nourrir, pour l’invoquer à intervalles réguliers, la convoquer, suivant l’axiome de Musset qui voudrait que « les plus désespérés sont les chants les plus beaux ». Pourtant, en ce qui nous concerne, et pour rassurer France, si jamais elle en avait besoin, leurs sanglots ne sont certainement que ceux de la mémoire. En rien n’était-elle menacée dans sa vie, dans sa relation, dans son amour. Seulement, peut-être, dans les fantasmes de son mari, mais personne au monde n’a de prise là-dessus, nulle part, jamais, ni ne devrait en avoir. Quelle que soit, du côté de Michel, la réalité – il n’est aucune raison de douter, bien sûr, de la sincérité de Véronique sur les SOS qu’elle lui aurait adressés pour sa part – il n’est pas question, ici, d’adultère, ni de tromperie, même sur la marchandise. Grégoire Colart en convient volontiers. « Il savait qu’il ressassait le passé et qu’il n’avait aucun avenir avec elle. » D’ailleurs, en privé, France le reconnaissait auprès delui, assure-t-il. « Comment pourrait-elle être jalouse d’un fantôme, d’un mythe ? “J’ai mon mari, le

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