Quelque chose en nous de Michel Berger
soir dans cette salle, avec à la batterie un Manu Katché bien embarrassé, avec lequel je viens de tourner un sujet pour « Rapido » sur la BBC, conscient, lui, que ses amis Sting et Peter Gabriel viennent de sillonner peu auparavant (avec Bruce Springsteen, Tracy Chapman et Youssou N’Dour) des contrées autrement plus dangereuses pour leur sécurité que le quartier de la Madeleine avec la tournée Human Rights Now ! d’Amnesty International destinée à propager l’idée même de droits de l’homme dans des pays qui les ignorent et des régimes qui les bafouent.
Bien évidemment, nos analyses divergent. J’estime, encore aujourd’hui, qu’elle eût dû – malgré la concomitance de la fatwa lancée par l’ayatollah Khomeiny de triste mémoire sur Radio Téhéran à l’encontre de Salman Rushdie, coupable à ses yeux de Versets réellement sataniques, si les menaces étaient avérées et jugées crédibles par les autorités – simplement annulerses concerts en signe de protestation. Les assurances, dans ce cas, en auraient couvert les dégâts financiers. C’eût été moins glorieux que de chanter quand même son « Allah » à dieu vat, mais au moins aurait-elle fait preuve de courage. Au lieu de cela, comme un aveu d’opportunisme, on a assisté à la substitution en toute dernière minute de « Paranoïa » comme single suivant, en lieu et place d’un titre plus banal.
Bernard Saint-Paul, son producteur, résume aujourd’hui toute l’opération « Allah » : « Un coup de marketing, renouvelé à l’Olympia – pipeau ! Il n’y a jamais eu la moindre revendication. À l’époque, il n’existe pas en France d’islamistes radicaux, seulement quelques représentants du Front islamique de salut algériens, dont le problème n’était alors pas la religion, mais la reconnaissance politique. Et les musulmans interdisent toute représentation visuelle d’Allah, pas de prononcer son nom. Je me souviens de m’être engueulé avec elle des années plus tard à cause de toi. Nous étions à Capri en train de mixer D’un papillon à une étoile . Je t’avais appelé de là-bas à France 2. Elle dit qu’on a trouvé trois bombes sous les fauteuils de l’Olympia – mais il n’y a jamais eu la moindre alerte aux Renseignements généraux. Pourtant, je pense qu’elle est partiellement innocente de l’affaire. Les locations ne marchaient pas, le disque ne se vendait pas, et son entourage a dû essayer de trouver un truc. Sans le communiqué de l’AFP, cela ne se serait pas passé comme ça. C’est une pauvre histoire de show-biz qu’elle alimente, tout en étant elle-même à moitié victime du truc. On lui a fait croire à cette histoire et ça l’arrangeait. »
Jean-Michel Boris, patron de la prestigieuse salle parisienne, confirme la totale absence de bombes. « Nous avons reçu un ou deux coups de téléphone de menaces, qui nous ont conduits à renforcer leservice d’ordre, instaurer une fouille, et passer la salle au peigne fin tous les jours. Mais il n’y a pas eu la moindre alerte. Nous avons seulement annulé une représentation le temps de laisser retomber l’inquiétude. La seule fois où nous avons trouvé quelque chose de suspect – c’était une blague –, c’était un soir où nous avions loué la salle pour une soirée de la police ! » Jack Lang, alors ministre de la Culture, et le cabinet de Pierre Joxe, à l’Intérieur, avaient confirmé en off à Libération l’absence de revendications sérieuses, à l’exception d’une ou deux lettres mal intentionnées dont l’origine et le sérieux n’ont jamais été authentifiés, et peuvent aussi bien provenir de fans dérangés.
Bien entendu, Véronique n’a jamais partagé mon opinion, ni les affirmations de son producteur historique. À Jean-François Brieu, toujours dans son Doux dehors, fou dedans, elle disait en 2001 : « Elle s’incline, elle se soumet, c’est une démission… J’ai tout entendu. Simplement, je ne voulais pas prendre le risque qu’une bombe soit posée à l’Olympia, que le moindre mal soit causé à des gens innocents, ou qu’on s’attaque à ma famille, à mon fils. Le tapage médiatique qu’il y a eu autour de cette affaire m’a ulcérée, réellement outrée, mais qu’on m’accuse de lâcheté ne m’a jamais blessée. C’était idiot, vraiment con… »
A-t-elle été mal conseillée, mal entourée, lui a-t-on dit toute la vérité, la réalité, s’est-elle
Weitere Kostenlose Bücher