Quelque chose en nous de Michel Berger
alimente, cette alchimie prétendue. Berger s’en est pris plein la gueule un bon jour, mais par la suite il n’en avait plus rien à foutre. Et je n’ai jamais vu de ma vie Véronique parler à Michel Berger, ni me parler de lui, alors que nous étions extrêmement intimes : j’étais au courant de toutes ses histoires amoureuses et sexuelles. Jamais je ne l’ai entendue prononcer le nom de Michel Berger. » Par honnêteté et souci de transparence, il convient ici de préciser que Bernard Saint-Paul est actuellement en procès avec Véronique Sanson.
Marc Kraftchik, qui la fréquente toujours de nos jours, témoigne en effet qu’en privé « Véronique n’en parle jamais ». Jane Birkin, qui elle aussi avait quitté Serge Gainsbourg et n’est en rien sa « veuve officielle », a pourtant continué à le chanter sans jamais que personne ne lui en conteste la légitimité. Il est vrai que Bambou n’est pas une artiste du niveau, ni du talent, de France Gall, et que Serge ne l’a pas épousée musicalement aussi intimement. Sans compter queJane, elle, n’a jamais cessé de parler de Serge, pour Serge, en public comme en privé. Et elle possède, elle, tout son répertoire par cœur, ce qui, reconnaissons-le, est logique puisqu’elle ne compose pas elle-même et n’a virtuellement chanté personne d’autre.
France Gall, irritée par cette initiative « étrange » de Véronique, corrobore certaines des affirmations de Saint-Paul dans une interview à VSD le 30 septembre 2005. « Je défie quiconque de trouver une interview dans laquelle Michel déclare qu’il communiquait par chansons interposées avec elle. » Et elle y exprime ce que toute femme amoureuse, toute mère, ressent face à pareilles revendications. « Elle dit qu’il a écrit cette chanson pour elle. Mais quand Michel a écrit cette chanson en mai 1975, il ne s’adressait pas à elle. Les gens ont plutôt pensé que ce titre m’était destiné… Quand elle dit aujourd’hui que Michel lui a adressé “Seras-tu là ?” et qu’elle lui aurait répondu avec son propre titre “Je serai là”, alors que lui et moi commencions à vivre ensemble, elle laisse penser que Michel était quelqu’un de malsain et que notre relation était un amour de substitution ! Cela remet nos vies en question. »
De fait, pourrait-on dire. Ou pas. Sauf que l’âme humaine, le cœur des hommes, est plus grand, et plus complexe que cela. Penser à un amour ancien, à sa présence lancinante dans nos rêves, hantant parfois nos psychés, n’a jamais assombri, souillé, abîmé, un amour solaire présent, ni constitué une trahison. Et en perpétuer le souvenir, le sublimer dans des chansons comme un âge d’or évanoui ou une promesse suspendue, n’obère ni la validité ni la sincérité ou la valeur de l’actuel. Ce syndrome du paradis perdu n’est en rien celui d’une personne malsaine. Reste la question de « l’amour de substitution », par défaut donc, plus pertinente, et France a raison, saperspective serait odieuse. Mais, encore une fois, on peut rêver du passé, le magnifier, se laisser intriguer par ce qui aurait pu être, sans pour autant trahir ni minimiser la force, la vérité de l’amour véritable, concret, vivant, auquel on s’est voué. Ainsi sont faits les hommes, et c’est cette constitution de leur âme – et de leur libido, ne nous mentons pas – qui les fait tant souffrir, et leur cause tant d’ennuis avec celles de leurs compagnes qui ne l’admettent pas – ce que l’on peut comprendre. « Ce qui se fait par amour se fait par-delà le Bien et le Mal », commentait Nietzsche. Michel Berger aimait sincèrement, complètement et totalement France Gall, lui était dédié, avait construit sa vie, leur famille, avec elle, sans pour autant oblitérer Véronique de sa mémoire vive, malgré les réfutations.
Grégoire Colart, confident de Michel tout au long des seize années qu’ils ont passées ensemble depuis qu’André Torrent le lui avait recommandé en 1975, affirme en effet que tel était bien le cas. « Souvent je passais chercher Michel, et nous prenions le petit déjeuner tous les trois, sur l’épais matelas posé par terre dans leur chambre. Michel et France se faisaient des bisous devant moi. Puis, alors que France nous faisait au revoir de la main, dès que nous étions dans la voiture, Michel me parlait de Véronique. C’était très gênant. Il se cachait de France pour m’en parler, sachant que
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