Qui étaient nos ancêtres ?
« rase campagne » un parfait pléonasme.
Mais la campagne était surtout riche. N’oublions pas que la Gaule était la province agricole la plus prospère de l’Empire romain. Très vite, une fois pacifiée et romanisée, de grands domaines y avaient fleuri, au milieu des pagi, divisions géographiques dont le nom est à l’origine de nos mots « pays » et « paysan », comme de l’occitan pages, désignant le cultivateur. De façon plus inattendue, il est aussi à l’origine de nos « païens » du fait que les habitants des pagi avaient été plus tardivement christianisés que leurs homologues citadins.
Ces domaines qui se sont alors développés un peu partout, plus ou moins vastes et complexes, sortes de grandes fermes-pilotes, sont appelés des villae , des « villes » sans aucun rapport donc avec les vraies agglomérations urbaines, alors rarissimes et quant à elles nommées urbes.
Centres d’émulation économique en milieu rural, ces villae gallo-romaines sont comme autant d’oasis, émaillant çà et là de vastes paysages de terres incultes, de friches, de landes et de forêts. Elles sont des centres d’exploitation regroupant généralement des champs et des vignes, et nombre d’entre elles sauront subsister durant des siècles, en régnant sur la nature qui les entoure.
Vous êtes environnés de villae !
La toponymie, science qui recherche l’étymologie des noms de lieux, montre que sur quantité d’appellations témoignant de l’histoire du peuplement, nombre d’entre elles évoquent d’anciennes villae.
Les villae de l’époque gallo-romaines étaient traditionnellement désignées par le nom de leur propriétaire, suivi du suffixe - acum ou - anum. Le domaine d’Aurelius était ainsi appelé Aureliacum (il a donné Aurillac) ou Aurelianum (il a donné Aureilhan). L’évolution et la « francisation » de ces noms a ensuite varié selon les régions, donnant des terminaisons très variées. Ainsi Martiniacum, autrement dit Martiniacum Villa (le domaine de Martinius), a donné Martigney en Franche-Comté, Martignieu en Lyonnais et Bugey, Martigny en Picardie et en Savoie, Martignies dans le Hainaut, Martigné en Anjou, Martignat en Auvergne et Martignac en pays de langue d’oc…
À la période suivante, le phénomène a continué. Les envahisseurs germains ont inspiré des terminaisons nouvelles en - ingen ou - ingue en Flandres, en - ange en Lorraine et en - ans en Bourgogne, comme Bertringen, Bertrange. Mais on a surtout fabriqué des noms en - cour et en - ville (ou en - hof et en - dorf en Alsace et en Lorraine).
Les premiers terminés en - cour étaient construits sur la bas latin curtis, désignant à l’origine la cour de ferme puis la ferme elle-même, ou le hameau qui s’était développé autour d’elle. Parfois sans autre précision, ils ont donné des Courcelles et des Courseul, et sont extrêmement fréquents en Lorraine, en Artois ou en Picardie, où ils intègrent généralement le nom du propriétaire, ainsi Brandicourt ou Azincourt (noms des domaines de Brando et d’Aizo).
Les seconds, continuant à être construits sur notre villa, de plus en plus liée à l’idée de « village », nous ont donné des Velle, Vielle (devenant Bielle en Béarn), de nombreux Villard, Villers et Villiers et de très fréquents toponymes intégrant pareillement des noms propres, comme Romainville, Charleville, particulièrement fréquents en Normandie (comme Tourville, construit sur le nom viking Thordr).
L’histoire de nos campagnes a aussi longtemps été celle du combat contre la végétation. Au fil des siècles, ce fut une alternance entre des périodes fastes, engendrant de grands mouvements de défrichage afin d’assurer la subsistance d’une population en pleine croissance, et des périodes moins favorables, durant lesquelles les friches et la forêt regagnaient du terrain sur les espaces cultivés. Ainsi, l’époque sombre et troublée des grandes invasions verra les broussailles recouvrir les champs et de nombreuses villae disparaître, alors que les barbares se fixaient çà et là pour se livrer eux aussi aux joies de l’agriculture.
Les défrichages n’ont donc jamais cessé. Sous les Mérovingiens et surtout sous Charlemagne, aux côtés des villae apparurent de petits groupements de population épars que l’on nomma des vicis – mot que l’on retrouve à l’origine de notre chemin « vicinal » et aussi de notre
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