Qui étaient nos ancêtres ?
quelque part entre Lille et Marseille ou entre Strasbourg et Pau, entre le XV e et le XX e siècle, ces hommes et ces femmes qui ont pour point commun (et souvent pour seul point commun) d’avoir été vos ancêtres. À ce titre, ils ont été à la fois les bâtisseurs de votre personnalité, les auteurs de vos jours, les responsables de votre identité.
I.
OÙ ÉTAIENT-ILS ?
U NE PLACE POUR CHACUN ET CHACUN À SA PLACE
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Ancêtres des villes
ou ancêtres des champs ?
Les magasins des généalogistes et des historiens sont de vrais hypermarchés. On y trouve des ancêtres de tout genre, de toutes conditions, de toutes mœurs et de toutes professions.
Il sera pourtant facile d’en explorer les rayons, car pour divers qu’aient été ces ancêtres, ils n’en appartenaient pas moins à des milieux profondément structurés. Dans le monde d’autrefois, chaque individu avait sa place, qu’il devait d’abord à sa naissance et qu’il avait ensuite bien du mal à quitter. La naissance fut longtemps pour nos aïeux une véritable marque de prédestination, puisque la « case » qui revenait au nouveau-né dépendait presque uniquement de celle qu’occupaient ses parents. Si les reines de France devaient accoucher en public, les paysannes, les femmes d’artisans, les domestiques le faisaient également, à l’exception de la fille séduite qui allait abandonner le fruit de ses amours coupables, auquel, justement, aucune place ne serait jamais réservée. Sa vie durant, l’enfant abandonné allait lutter pour s’en faire une, bien souvent sans pouvoir y parvenir.
Mais en dehors de ce cas exceptionnel, sur lequel on reviendra, chacun de nos aïeux s’inscrivait bien dans ce monde compartimenté à l’infini, mais dont certains compartiments étaient bondés à l’extrême. Tant au plan géographique que social, la majorité de nos ancêtres évoluait en effet dans les mêmes sphères, où l’on trouvait des positions et des profils types.
De ce fait, pour savoir qui étaient nos ancêtres, les catalogues et les fichiers des généalogistes et des historiens parleront d’eux-mêmes, et les principales démarcations sauteront immédiatement aux yeux, posant des premières questions simples, nous conduisant d’abord à nous demander si nos ancêtres étaient des urbains ou des ruraux, des dominants ou des dominés, des acteurs passifs ou actifs.
Non seulement nos ancêtres étaient, dans leur immense majorité, des ruraux, mais cela se traduit de manière disproportionnée dans nos lignages. Ainsi, si l’on peut estimer qu’au début du XVIII e siècle, pour quelque vingt-trois millions de Français, les quatre millions d’urbains représentaient moins de 18 % de l’ensemble (contre plus de 82 % de ruraux), la proportion de ruraux parmi nos ancêtres de cette époque dépassera facilement 95 % ! L’explication tient au fait que jusqu’à la révolution industrielle, les populations des villes n’augmentaient pratiquement pas. Si les campagnes déversaient régulièrement leurs trop-plein entre leurs murs, la plupart de ces nouveaux citadins – essentiellement des hommes – s’y marginalisaient, ou du moins ne s’y mariaient pas et n’engendraient pas d’enfants. Les historiens démographes l’ont montré : la ville a longtemps joué un rôle de régulateur. Ajoutons à cela que dès le XIX e siècle, la petite bourgeoisie urbaine – autrement dit les employés et les petits commerçants – va opter pour une politique familiale et patrimoniale de limitation des naissances et souvent d’enfant unique. Les recettes anticonceptionnelles, que l’on a appelées les « funestes secrets », condamnées et combattues par l’Église comme allant à l’encontre du fameux « Croissez et multipliez » de l’Évangile, se sont rapidement répandues. À l’exception de quelques cités-champignons, comme Bordeaux, Nantes ou Nîmes, la plupart se contentent de taux d’augmentation modérés (15 à 20 %), beaucoup continuant à afficher une stabilité à toute épreuve, comme Angers, Toulon ou Avignon… Ce n’est qu’au XIX e siècle que, selon leur situation – enclavée ou non – et leurs possibilités d’industrialisation, le différentiel s’accentuera, consacrant la prééminence de certaines villes et confirmant l’inéluctable régression d’autres : ainsi, en Auvergne, la montée de Clermont-Ferrand au détriment de Thiers et d’Aurillac…
Le paysage qui
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