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Qui étaient nos ancêtres ?

Qui étaient nos ancêtres ?

Titel: Qui étaient nos ancêtres ? Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Louis Beaucarnot
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citadins.
    En réalité, la France n’est pas uniformément illettrée, ou du moins l’instruction y a progressé de façon irrégulière selon les régions. Les enquêtes menées sur ce sujet ont révélé des décalages, non seulement entre les sexes et les milieux sociaux, mais encore entre une France du Nord, généralement plus lettrée et évoluée, et une France du Sud, restée plus longtemps analphabète.
    Dans le royaume de France de 1690 (c’est-à-dire encore sans l’Alsace et la Savoie), on voit ainsi que 21 % des mariés signent au bas de leur acte de mariage, dont 27 % des hommes contre seulement 14 % des femmes, et la représentation cartographique des données montre un très net écart entre les régions situées de part et d’autre d’une ligne allant, en gros, de Genève à Saint-Malo. La trentaine de départements constituant la partie nord-est de la France (Normandie, Ile-de-France, Picardie, Artois, Ardennes, Lorraine, et Champagne, – où l’on note au passage une très belle performance des hommes de l’actuel département de la Marne) y apparaissent beaucoup plus alphabétisés que les deux-tiers sud-ouest du royaume, à l’exception des Hautes-Alpes, d’où partaient justement chaque automne nos écoleurs…
    Et ce fossé de demeurer. Un siècle plus tard, si les moyennes générales ont progressé, avec des chiffres de 37 % au plan national (47 % des hommes et 27 % des femmes), on retrouve notre partition Nord-Sud, avec à nouveau le taux exceptionnel des Haut-Alpins (entre 70 et 80 %), rejoints par un taux équivalent en Pays basque et en Béarn. De la même façon, les résultats de cette enquête, orchestrée par le recteur Maggiolo, soulignent la permanence d’un « triangle du retard », avec pour sommets Saint-Malo, Nevers et les Landes.
    La pomme de la honte et l’« Anciclopédie » du châtelain
    N’oublions pas que nos ancêtres, tout sujets du roi de France qu’ils aient été, ne parlent quasiment que patois. L’étude menée sous la Révolution par l’abbé Grégoire révélera que le français n’est vraiment parlé que dans une quinzaine de départements. Plus de six millions de personnes ne comprennent pas un traître mot de la langue parlée à Paris. Un de ses informateurs, procureur à Lyon, lui écrivait : « On prêche à présent en français dans tous les villages de notre province ; on assure cependant que dans le Limousin, la Haute-Auvergne, le Haut-Dauphiné et la Haute-Provence, on prêche encore en patois, sans quoi les prédicateurs ne seraient pas compris. »
    Ni l’invention de l’imprimerie, ni la centralisation administrative du pays n’ont encore réussi à en unifier la langue. Racine, voyageant de Paris à Uzès, raconte à La Fontaine : « J’avais commencé dès Lyon à ne plus guère entendre le langage du pays, et à n’être plus intelligible moi-même. Ce malheur s’accrut à Valence, et Dieu voulut qu’ayant demandé à une servante un pot de chambre, elle mit un réchaud sous mon lit. » Ce qui dut rappeler à l’auteur des fameuses fables le souvenir d’un voyage en Limousin au cours duquel il avait lui-même écrit : « Comme Bellac n’est éloigné de Limoges que d’une petite journée (soit environ 40 km), nous eûmes à loisir de nous égarer, de quoi nous nous acquitâmes fort bien et en gens qui ne connaissaient ni la langue ni le pays » !
    Voilà donc pour les grands projets scolaires laïcs un enjeu d’importance : supprimer les heures consacrées aux prières et au catéchisme qu’enseignaient encore les maîtres des écoles ouvertes à l’instigation de Guizot, pour les consacrer à la promotion de la langue nationale. Pour cela, on part en croisade contre les patois, tous si fortement enracinés dans les cœurs et les esprits. La lutte sera dure et longue, et pour la mener à bien, les enseignants reçoivent des directives draconiennes : les pénitences pleuvront, humiliantes. Qui prononce un mot de patois ou de dialecte est montré du doigt, envoyé au piquet avec le bonnet d’âne. En Bretagne, le maître pose un objet, qu’il nomme « la honte » – généralement une pomme ou une boule de chiffons –, sur le pupitre de l’élève qui lâche le premier mot de breton. Au fil de la journée, l’objet circule de pupitre en pupitre. Le soir, lorsque retentit la cloche, celui qui l’aura sur le sien sera seul à avoir une punition (copier cent fois : « Je

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