Qui étaient nos ancêtres ?
« jugements de Dieu », consistaient à infliger à l’accusé une blessure ou une brûlure. Le fait que celle-ci guérissait correctement prouvait son innocence, alors que le fait qu’elle s’envenime le désignait comme coupable. De là nous vient l’expression « ne pas y mettre la main au feu ».
Le seigneur « haut-justicier » jugeait parfois entouré de bons hommes ou de prud’hommes, sages et prudents (eux-aussi à l’origine de patronymes comme Bonhomme, Prudhomme, Prud’hon, Proudhon…). Il pouvait prononcer des peines corporelles, directement liées, à l’origine, au méfait commis : le voleur se voyait amputé d’une main. Tout seigneur « haut-justicier » avait le droit de posséder une prison avec gardien ainsi que piloris, échelles et carcans, tous instruments de torture où l’on exposait le coupable, des heures durant, à la vindicte du peuple, qui pouvait librement lui envoyer à la figure des fruits pourris, des crachats, voire – pour les hommes – des jets d’urine. Enfin, signe visuel de la haute justice par excellence, le « haut-justicier » pouvait avoir des fourches patibulaires, où les criminels se voyaient « pendus haut et court », autrement dit à une haute potence et avec une corde courte : le plus sûr moyen de ne pas rater le grand saut.
Pour parachever le système, notre seigneur a soin de ses terres de ce que nous appellerions aujourd’hui des biens d’équipements collectifs : un moulin, où chacun peut aller faire moudre son blé en toute sécurité, sans devoir faire des kilomètres et traverser des landes et des forêts infestées de loups et de brigands ; un four, où chacun pourra faire cuire son pain ; un pressoir, où il pourra presser les raisins de sa vendange – le plus souvent pour obtenir une vulgaire piquette – mais où il pourra aussi faire écraser des noix qui lui fourniront de l’huile. S’y ajoutent parfois une forge et une brasserie, permettant de brasser la bière ou la cervoise. Le seigneur pense à tout pour le plus grand confort des habitants de sa seigneurie, et ce sont là les fameuses banalités.
Des noms de famille très « banaux » ou très « banals » ?
L’autorité du seigneur s’exprimait par le droit de ban, autrement dit celui de publier des règlements, d’ordonner, de contraindre et de punir, qui est à l’origine de notre publication de bans, de notre arrière-ban (désignant autrefois le service armé qu’un roi pouvait exiger de ses arrière-vassaux, autrement dit des vassaux de ses vassaux) et enfin des banalités (four, moulin et pressoir) dont il imposait l’usage aux manants. Était donc « banal » ce qui était destiné à une utilisation en commun, et le sens de l’adjectif évolua en ce sens : banal devint commun. Un accident de parcours voulut – on ne sait trop pourquoi ni comment – que le four banal donnât au pluriel des fours banaux, alors qu’un événement banal donnât des événements banals.
Il n’en reste pas moins que ces banalités, et surtout les moulins, les fours et les forges, étaient suffisamment rares pour que leur nom ait automatiquement désigné un lieu précis de la seigneurie. Comme nous trouvons des noms de hameaux liés aux forges, nous en avons d’autres liés aux pressoirs (Pressoir, Treuil…), aux fours et surtout aux moulins, comme Moulin, Molines, Molinet, Molinot, Moulis… Ces moulins étaient des lieux où l’on entrait aussi facilement que le dit l’adage, leur porte restant généralement toujours ouverte, pour mieux permettre à la poussière du son de s’évacuer.
Les noms de famille qui dérivent de ces banalités sont innombrables. Si le préposé au four a donné nombre de Fournier, le meunier, selon les régions, a donné quantité de Meunier, Munier, Monier, Mounier, Munoz, Maulnier, Meugnot, Molinard, Molinier, Molenaer, Muller, ainsi que des surnoms comme Pilorgé (pileur d’orge), Ballu (l’homme chargé du blutage)… Les édifices eux-mêmes ont donné des Moulin, Dumoulin, Vermeulen, Dutreuil, Dufour…
Mais le record appartient sans conteste aux descendants du forgeron. Parfois nommés Forgeat, Forgeot, Fargeau… ou encore Fernier, Ferrier, Ferniot, Ferron ou Ferrari, ils ont surtout donné les Lefèvre, Lefebvre et Lefébure du Nord, les Faivre, Favre, Fabre, Faure, Fauré d’ailleurs, sans oublier les Le Goff bretons et les Schmitt ou Schmidt de l’Est. Nombreux aussi sont les noms issus de
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