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Qui étaient nos ancêtres ?

Qui étaient nos ancêtres ?

Titel: Qui étaient nos ancêtres ? Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Louis Beaucarnot
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signes utilisés pour l’orientation, elle a évidemment été enrichie par la tradition chrétienne, représentée presque toujours avec une traverse, parfois deux, dans la croix dite « de Lorraine ». En fait originaire de Grèce, cette dernière comporte une traverse supérieure qui serait un vestige du cartouche dans lequel Pilate avait ajouté, au sommet de celle du Christ, l’inscription « Jésus de Nazareth, roi des Juifs ». Introduite en France par les ducs d’Anjou, futurs ducs de Lorraine, cette croix particulière a été choisie comme symbole de la France Libre, en 1940, à l’initiative de l’amiral Muselier, lui-même lorrain, qui tenait à ce que les Français libres aient leur croix à eux, en face de la croix gammée allemande.
    Notre paysage est émaillé de croix. On en trouve surtout à chaque carrefour, que l’on attribue souvent à une « mission » évangélique du XIX e siècle, mais qui sont en général beaucoup plus anciennes.
    La croix, qui est à l’origine de tant de noms de lieux (La Croix, La Croix Blanche, Verte, Rousse…, mais aussi Croisille, La Croisette – comme celle de Cannes –, Le Croisic, Crussolles…), et aussi de bien des noms de familles (les mêmes, plus Delacroix, Delcroix…), avait autrefois des fonctions particulières. Si l’on en trouve tant, depuis les époques les plus reculées, c’est qu’elle était traditionnellement employée pour matérialiser les limites entre les grands territoires, abbayes, seigneuries…
    Placées au long des chemins et à leur carrefour, ces croix étaient autant de repères analogues à nos panneaux signalétiques ou au fléchage de nos sentiers de grandes randonnées. Elles invitaient par ailleurs le marcheur ou le voyageur à se signer et à invoquer la protection divine en des temps où les routes étaient peu sûres. De même que les églises étaient des lieux d’asile et qu’un criminel qui s’y était réfugié ne pouvait se voir condamné à mort, la croix assurait au serf qui avait « déguerpi », s’il était rattrapé devant elle, d’échapper aux peines corporelles qui pouvaient lui être infligées.
    Enfin, la croix servait à éloigner les mauvais esprits près des puits, des sources et des fontaines, et beaucoup de gens décidaient d’en élever une, à leurs frais, devant leur maison, à titre d’action de grâce pour un vœu exaucé ou à l’occasion d’un événement familial.
    S’il veut pouvoir continuer à cultiver son lopin de terre – un lopin qui nous semble ridiculement minuscule, du fait qu’à cette époque le moindre centimètre carré de terre est ensemencé – l’homme ne peut s’en éloigner. Cette règle ne supporte aucune entorse. Qu’il veuille épouser une fille de la ferme voisine, dépendant d’une autre seigneurie, il devra obtenir l’autorisation des deux seigneurs concernés, qui la lui accorderont moyennant le paiement d’un droit, celui de formariage (droit de se marier fors, c’est-à-dire hors, de ses terres).
    À la seigneurie s’ajoute la paroisse, desservie selon les cas par un curé ou un chapelain, qui oblige les habitants aux messes dominicales, à l’exercice d’une religion à laquelle ils ne comprennent pas toujours grand-chose, mais qui parle en latin à Dieu et à ses saints. Comme le seigneur, le curé les contraint à des impôts et à des redevances et lui aussi les attend à chaque virage. Du fait que le manant, comme avant lui ses ancêtres, ne peut aller prendre femme en dehors de la seigneurie, il n’aura guère de possibilités de trouver une épouse qui ne soit pas sa parente, plus ou moins éloignée. Or, jusqu’au concile du Latran, en 1215, nul ne peut épouser une parente en-deçà du douzième degré. En d’autres termes, tout homme se voit interdire toutes les filles partageant avec lui un couple d’arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière grands-parents, ce qui revient à dire que presque toutes les filles de la seigneurie lui sont interdites. La seule issue est que le curé obtienne de son évêque une dispense, qui sera elle aussi délivrée moyennant finance. L’Église autant que la seigneurie enferme l’homme dans un univers exigu.
    Paroisse et Seigneurie constituent donc en somme deux lofts superposés. Elles resteront longtemps les deux cadres essentiels de la vie, souvent rivales et concurrentes. Les familles seigneuriales, au fil des héritages, se disputent fréquemment la

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